Il y a encore quelques jours, une petite flamme était en moi. Tant bien que mal, depuis des années, elle était là et résistait aux chagrins qui venaient dans ma vie.
Aujourd’hui, c’est une toute petite lueur et il faudrait un je ne sais quoi pour qu’elle reprenne son éclat d’origine. Celui qu’elle avait au début, quand elle est arrivée dans mon existence.
Je ne suis pas baptisée, je n’ai pas fait de communion solennelle. Je ne me suis pas mariée à l’église, seulement à la mairie.
Quand j’avais treize ans, je suis allée en vacances avec ma famille à Luz-Saint-Sauveur. Comme Lourdes n’était pas loin, nous y avons passé un après-midi et le fait de voir tous ces malades devant la grotte de Massabielle a bouleversé l’adolescente que j’étais.
Pour être franche, j’avais honte d’être en bonne santé. Quand mon tour est venu de toucher le rocher, j’ai fait un semblant de prière pour que ma famille ne soit jamais atteinte par la maladie, ni par quoi que ce soit.
Je ne pense pas que j’ai été écoutée, d’ailleurs pourquoi l’aurais-je été ? Ma demande était beaucoup moins importante que celle de toutes ces personnes malades ou handicapées. Je revois encore en mémoire celles qui étaient allongées dans un genre de véhicule adapté à leur situation alors que moi je marchais sans problème avec mes deux jambes…
A cette période de ma vie, je croyais en un quelque chose mais je n’arrivais pas à le définir. C’était encore flou dans ma tête pour que cela prenne un aspect plus net.
L’année suivante, je changeais d’école pour aller dans un établissement où il y avait encore quelques religieuses. Mon professeur de français en faisait partie ainsi qu’une autre qui enseignait le catéchisme.
Je m’entendais très bien avec elles et avec la seconde, j’ai gardé le contact durant quelques années quand elle a été mutée dans la région parisienne.
J’aimais beaucoup ce cours de catéchisme qui avait lieu seulement une fois par semaine et cela pendant une heure.
Je me souviens qu’il commençait par la prière de “Notre Père” et finissait par celle de “Je vous salue Marie.”
Ces deux prières, je ne les ai jamais apprises. Je les écoutais donc, en silence, quand mes camarades de classe se levaient pour les réciter.
Les mois se sont passés dans cette classe de 6ème et un jour, j’ai appris que mon grand-père maternel avait trouvé la mort de façon brutale. Il n’avait que soixante-sept ans et j’ai trouvé cela injuste qu’il s’en aille sitôt et de cette façon.
Un peu plus tard, c’est son chien qui était écrasé par un camion sous les yeux de ma grand-mère.
Cela est devenu trop dur pour moi : le grand-père qui me restait était parti et mon compagnon à quatre pattes l’avait rejoint quelque temps après. J’ai donc évoqué ma peine avec mon professeur qui a tenté, avec des paroles rassurantes, de me consoler.
J’ai raconté également ces enfants malades que je voyais à la télévision pendant les informations, sans oublier ceux qui mouraient de faim.
Sa réponse ne m’a pas convaincue tout-à-fait. Selon elle, la vie était faite d’épreuves et il fallait les accepter…
A partir de là, ce que je croyais était encore en moi mais cela n’avait guère évolué de façon positive. Car je ne comprenais pas pourquoi les personnes méchantes étaient toujours là alors que celles qui étaient bonnes nous quittaient.
Ce soir encore, je me pose toujours la question.
Onze ans après le décès de mon grand-père, ma grand-mère était renversée par un chauffard.
Bien auparavant, deux personnes dans mon entourage d’écolière mouraient elles aussi de façon tragique.
Beaucoup d’années se sont écoulées et il y a seize ans, mon père atteint d’une méchante maladie, s’en allait également.
Devenue mamie pour la première fois à l’âge de cinquante-six ans, je n’ai pas la chance de voir mon petit-fils car il est placé en famille d’accueil.
Ce ne sont encore que des épreuves mais c’est si dur à supporter. Je suis bien consciente qu’il y a pire autour de moi mais c’est beaucoup trop cruel comme celle qui m’est arrivée récemment :
la perte de mon amie d’enfance alors qu’elle n’avait que soixante-trois ans.
Je pense également à trois connaissances qui sont parties alors qu’elles semblaient avoir aussi la vie devant elles…
Malgré tout cela, en tapant ce texte sur mon ordinateur, je me suis sentie bien dans ma tête.
La petite lueur est toujours présente, elle ne s’est pas éteinte.
Je vais donc la garder et la protéger car, après tout, c’est peut-être grâce à elle si je tiens bon.
Je ne sais pas.
Texte écrit par Odile Stonham @ Tous droits réservés.
La petite lueur est effectivement, Odile, un don salvateur ! Continue à utiliser sa lumière pour rester toujours fière !