L’incroyable
aventure
de
Dido et Gocha
Chapitre I : La fuite
Dido et Gocha étaient deux petits chaussons tout doux qui avaient une belle vie de chausson. Ils appartenaient à une petite fille qui s’appelait Lucie. Lucie adorait ses chaussons et les chaussons adoraient Lucie.
Dido et Gocha étaient frère et sœur. Ils se ressemblaient parfaitement, comme des jumeaux. Ils étaient en feutre rose, doux et moëlleux, parsemés de petits pois bleus et bordés de satin rouge vif. Sur leur languette, était brodé un petit lapin blanc.
Lucie prenait bien soin de Dido et Gocha et les chaussons faisaient tout ce qu’ils pouvaient pour qu’elle se sente bien avec eux. Ils menaient une vie confortable et douillette dans la belle maison de Lucie.
Un jour, c’était environ deux semaines avant le Réveillon de Noël, la maman de Lucie entra dans la chambre de sa fille, comme elle le faisait souvent. Lucie était partie avec son papa faire quelques courses en prévision des fêtes. Maman rangeait des vêtements dans la commode et une fois terminé, elle inspecta la chambre du regard. Ses yeux tombèrent sur la paire de chaussons posée au pied du lit. Elle les attrapa et les observa sous toutes les coutures. Puis elle soupira.
« Il va falloir que j’achète des nouveaux chaussons. Ceux-là commencent à être moches et abîmés… » Elle les redéposa au pied du lit puis sortit de la chambre en claquant la porte.
Dido et Gocha restèrent saisis de stupeur…Ils n’arrivaient pas à croire ce qu’ils venaient d’entendre. On allait les remplacer! Mais alors, ça voulait dire qu’on allait les jeter?
– On va finir à la poubelle Dido, fit Gocha, ébranlée.
– Pire encore, poursuivit Dido en frémissant, après la poubelle on nous enfouira dans une… fosse car personne ne voudra plus jamais de nous!
– Oh non! Je ne veux pas finir comme ça, jetée aux ordures, abandonnée, comme ceux qui étaient là avant nous.
Gocha se mit à pleurer et sa languette se recroquevilla car elle avait de la peine.
– Il fallait bien s’y attendre, reprit Dido qui était plus clairvoyant que sa sœur. Les pieds des enfants grandissent, nous, on vieillit avec le temps alors, un beau jour, on nous remplace…Jusqu’à présent, nous avons eu de la chance, ça fait longtemps que nous sommes ici parce que Lucie prend bien soin de nous.
– C’est vrai, tu as raison Dido.
– J’en connais qui n’ont pas tenu une semaine tellement ils ont été malmenés par leur propriétaire…
– Qu’allons-nous faire? s’affola Gocha.
– Je ne sais pas. Je dois réfléchir, fit pensivement Dido. Ne t’inquiète pas, je vais trouver une solution.
Dido réfléchit toute la nuit et toute la journée du lendemain. Le soir, une fois Lucie endormie, il présenta son idée à sa sœur.
– J’ai bien réfléchi. Il n’y a qu’une façon d’éviter la poubelle.
– Et que comptes-tu faire Dido?
Le petit chausson se tourna vers la porte de la chambre et déclara, d’un ton déterminé :
– Demain matin, nous serons loin d’ici.
Cette nuit-là, toute la maison était silencieuse. Il n’y avait pas un bruit dans les chambres situées à l’étage. Lucie était bien emmitouflée dans sa couette et dormait paisiblement tandis que les deux petits chaussons, eux, se tenaient éveillés au pied du lit.
– Gocha, tu es prête? Suis-moi. Le moment est venu.
– Oui Dido, chuchota-t-elle, je te suis mais j’ai peur. On va aller où?
– On verra bien. Pour l’instant, il faut qu’on quitte la maison.
Dido faisait le grand mais en vérité, il n’était pas rassuré non plus.
À pas de loup, les chaussons se glissèrent par l’entrebâillement de la porte. Ils traversèrent le couloir sombre et silencieux puis arrivèrent sur le palier. Au loin, le papa de Lucie ronflait.
– C’est haut, dit Gocha inquiète en regardant les marches disparaître dans la nuit.
– Ce n’est pas la première fois que tu descends cet escalier pourtant, lui rétorqua Dido.
– Oui mais d’habitude, il y a Lucie pour me tenir…
– Ne t’inquiète pas petite sœur, tu vas y arriver. Fais-moi confiance.
Sans bruit, et par miracle, sans chute, les deux apprentis aventuriers arrivèrent au bas de l’escalier, face à la porte d’entrée. Celle-ci, bien sûr, était fermée à clé.
– Comment va-t-on quitter la maison Dido? Tu y as pensé? La maison est entièrement fermée!
– C’est justement à ça que j’ai réfléchi Gocha. J’ai une solution. Suis-moi et en silence…
Dido et Gocha s’engagèrent dans le couloir qui menait à la cuisine. Dans le noir, ce long corridor silencieux était inquiétant. Gocha et Dido n’en menaient pas large…
Soudain, une masse sombre et immobile se profila dans l’obscurité. Deux yeux verts et brillants les fixaient sans en perdre une miette.
– Vous allez où comme ça?
C’était Misti, le chat de la maison. La nuit, il était le maître des lieux quand les humains dormaient à l’étage.
Dido et Gocha sursautèrent, affolés d’entendre cette voix rauque et feulante surgir de la nuit.
– Qui vous a permis de vous promener par ici à cette heure de la nuit? gronda-t-il.
Dido répondit, d’une petite voix tremblante :
– Il…il faut qu’on quitte la maison Misti. Nous sommes en danger si nous restons ici.
– Vous êtes en train de m’expliquer que vous vous enfuyez, c’est ça? Mais vous n’en avez pas le droit!
– Allez Misti, laisse-nous passer, je t’en prie, implora Gocha. La maman de Lucie a prévu de nous remplacer. On ne veut pas finir à la poubelle. Nous devons partir, tu comprends?
– Je ne peux pas vous laisser faire. Vous avez pensé à Lucie? Que dira-t-elle demain matin quand elle ne vous verra plus? Elle sera triste. Et moi, je n’aime pas que ma maîtresse soit triste! Je dois vous empêcher de sortir!
Le félin avait un ton menaçant.
Aussitôt dit, Misti se ramassa. Dido comprit immédiatement ce qu’il allait faire. Le chat bondit pour s’abattre sur eux. Au même moment, Dido poussa Gocha devant lui de toutes ses forces. Elle glissa vers la cuisine et Dido se colla le long du mur pour échapper aux griffes du monstre.
Misti était un gros chat gris bien nourri qui manquait d’agilité. Il loupa son coup et s’écrasa le nez contre la cloison. Il miaula, d’abord de douleur puis de rage d’avoir raté sa proie. Il dérapa sur le carrelage pour tenter de retrouver son équilibre. Le temps qu’il se rétablisse sur ses pattes, toutes griffes dehors, Dido et Gocha arrivaient à la porte de la cuisine, celle qui donnait sur l’extérieur. Derrière elle, c’était la terrasse, le jardin…la LIBERTE!…
– Vite Gocha, la chatière, c’est par là qu’on sort!
Gocha se faufila prestement par l’ouverture et Dido s’y engouffra à son tour. De l’autre côté de la porte, Misti se lançait à leur poursuite.
– Dido, Misti arrive!!! On est fichus!!!
Ils entendaient le chat miauler de colère.
– Non, ne t’inquiète pas. Misti ne passera pas.
Les petits chaussons retinrent leur souffle, cachés derrière une jardinière. Le félin tentait à son tour de s’extirper de la chatière. Les chaussons voyaient sa grosse tête et surtout ses crocs luisants et pointus qui les menaçaient et mordaient dans le vide. Mais le chat resta là, coincé dans l’ouverture, son gros ventre ne passait pas. Il éructait de colère. Heureusement qu’il était trop bien nourri! Misti s’épuisa à se contorsionner en vain. Il ne pouvait ni avancer, ni reculer. Il éructait maintenant de désespoir et de dépit.
Dido et Gocha poussèrent un soupir de soulagement. Dido osa même s’approcher de Misti pour le narguer.
– J’aimerais bien t’aider à sortir de là Misti mais, vois-tu, on n’a pas le temps. Tu devrais faire du sport, non? Adieu gros balourd!
Leur évasion avait réussi! Ils s’éloignèrent rapidement et les grognements déchirants de Misti ne furent plus qu’une vague rumeur lointaine…
Chapitre II : La rencontre
Dido et Gocha étaient seuls maintenant, dehors dans le froid au milieu de la nuit de l’hiver. Gocha se serra contre son frère.
– Qu’est-ce qu’on va faire? murmura-t-elle en tremblant de toute sa languette.
Ils se trouvaient sur un trottoir désert et lugubre. Un pauvre lampadaire éclairait faiblement la rue. Des ombres inquiétantes entouraient nos deux fuyards. Dido avait pensé à la façon de quitter la maison. Mais maintenant, il n’avait pas la moindre idée de ce qu’ils devaient faire ni vers où se diriger. C’était le mystère, l’inconnu, le danger. Il frissonna.
– J’ai froid, dit Gocha. Où va-t-on aller maintenant? On ne voit rien.
– On va marcher. Arrête de gémir, il faut s’éloigner de la maison avant que quelqu’un nous trouve.
Il avait un air décidé car il ne voulait pas effrayer sa sœur ni la décourager alors qu’ils venaient tout juste de s’enfuir.
Dido et Gocha errèrent par les rues sombres sans savoir ce qu’ils trouveraient plus loin. Ils ne connaissaient rien d’autre que la maison confortable de Lucie et d’un seul coup, ils se retrouvaient seuls et perdus dans ce monde si vaste.
Dido, tout en cheminant, se demandait s’ils avaient eu raison de partir. Puis il repensa aux propos de la maman « ils sont moches et abîmés, il va falloir en acheter d’autres ». Non, pensa-t-il, ils n’avaient pas eu le choix. Il avait bien fallu s’enfuir pour échapper à une horrible fin de vie. Maintenant, ils ne pouvaient plus reculer.
Dido et Gocha marchaient depuis un long moment dans la nuit et leurs semelles commençaient à les blesser. Une pluie fine et froide tombait sur eux. Ils étaient trempés, sales, en piteux état.
– Regarde Dido, fit Gocha tout à coup, il y a des cartons là-bas. On peut s’abriter un moment pour se sécher et se réchauffer?
– Bonne idée, dit-il, car il commençait à en avoir marre de marcher sur ce trottoir glacial.
Les chaussons s’approchèrent. L’un des cartons était couché sur le côté et entrouvert. Ils pénétrèrent dans ce sombre abri…
– Non mais dites donc vous! Qui vous a autorisés?
Dido et Gocha firent un bond en arrière, effrayés par cette voix inconnue surgissant de nulle part.
– Vous ne voyez pas que c’est occupé ici?
À leur grande stupéfaction, ils découvrirent qu’ils n’étaient pas seuls. C’était un ours en peluche qui dormait et qu’ils avaient réveillé. Il avait une grosse tête toute ronde avec deux petites oreilles dont l’une semblait avoir été croquée. Dido et Gocha paraissaient minuscules à côté de cet ours gigantesque et pour tout dire, un peu effrayant. Il lui manquait un œil, son pelage marron était tout râpé, sa salopette déchirée sur le côté et très sale.
– Pard…Pardon Monsieur l’Ours, fit Dido d’une timide voix, nous ne voulons pas vous déranger. Nous ne vous avions pas vu. Il fait si froid dehors que nous pensions nous mettre à l’abri. Vous…vous voulez bien?
La peluche regarda les chaussons de son œil unique et suspicieux, essayant de savoir s’il pouvait leur faire confiance.
– Oui bon, d’accord, dit-il en bougonnant car tous les ours bougonnent c’est bien connu! Allons, venez vous réchauffer à l’intérieur. Il y a de la place ici. Vous avez l’air bien mal en point.
– Merci beaucoup Monsieur l’Ours, fit Gocha.
– On se tient chaud quand on est plusieurs n’est-ce pas? Bienvenue parmi nous les chaussons.
Nous? Pourquoi dit-il «nous»? se demandèrent les petits chaussons. En s’habituant à l’obscurité du lieu, ils découvrirent alors qu’il n’y avait pas que l’ours dans le carton mais aussi d’autres jouets. Il y avait là une pauvre marionnette de chiffon, désarticulée, coincée dans une remorque de tracteur rouillée, un camion de pompier à la couleur rouge écaillée, d’autres jouets mélangés, entassés et qu’il était impossible de distinguer les uns des autres. Des canards en plastique, serrés dans une valisette défraîchie, dormaient profondément. Toute une famille…Ce spectacle prenait l’allure d’un vrai capharnaüm.
Dido et Gocha s’installèrent timidement à côté du grand ours en peluche.
– Je m’appelle Bernie, et vous?
– Moi c’est Dido et voici ma sœur Gocha.
– Enchanté les amis! Alors, qu’est-ce que vous venez faire par ici?
– On s’est enfuis de la maison cette nuit, dit Gocha.
– Ah bon et pourquoi ça? Votre propriétaire vous maltraitait c’est ça?
– Non, non, fit Gocha vivement. On était bien chez Lucie. Mais…
– Mais évidemment, ça ne pouvait pas durer, la coupa Bernie levant son œil au ciel. Je sais ce que c’est moi aussi, n’est-ce pas? Au début, on est choyé, cajolé, dorloté. Puis vient le jour où on ne veut plus de vous.
Il soupira et reprit :
– On vous laisse dans un coin ou bien on vous range dans un tiroir ou pire, on vous torture, on vous jette contre un mur, on vous arrache votre pelage, on vous mord, on vous griffe, on vous découpe. On fait sur vous de drôles d’expériences douloureuses et cruelles. Et finalement, on vous jette aux oubliettes, hop, au placard! Rangé, abandonné, oublié. Puis un jour, dans la poubelle! Disparu à tout jamais.
Bernie regarda les chaussons.
– Alors, vous aussi vous avez connu cette déchéance, n’est-ce pas? Les enfants peuvent être si cruels parfois…
– Non, fit Dido, impressionné par le tableau dépeint par Bernie. Pas encore et franchement, je ne souhaite pas connaître une fin de vie aussi misérable! Nous, nous avons appris avant-hier que la maman de Lucie allait se débarrasser de nous. Alors, nous avons décidé de partir avant qu’il ne soit trop tard.
– Comme vous avez bien fait! Car vous êtes arrivés sans le savoir au bon endroit. Et d’après votre état délabré, je crois qu’il était temps n’est-ce pas?
Gocha et Dido se regardèrent. Ils étaient d’accord avec lui. En quelques heures de fuite, ils étaient devenus de vieilles savates sales et fatiguées.
– Mais dites-moi Bernie, reprit Dido après un long silence, pourquoi dites-vous que nous sommes au bon endroit?
– Ah ah, je vous assure que c’est votre jour de chance les amis, fit l’ours avec un petit sourire. Vous ne finirez pas à la poubelle car ici commence votre deuxième vie!
– Ah bon?! fit Gocha toute étonnée. Être dans une boîte, sur le trottoir, vous appelez ça une deuxième vie vous?
– Oui Gocha. Tout à l’heure, quand il fera jour, un camion va venir nous chercher et nous amener dans un local. J’ai entendu les humains le dire l’autre jour. Une association ça s’appelle.
– Mais de quoi s’agit-il? reprit Dido, c’est quoi une…sociation?
– Une AS-SO-CIA-TION, articula Bernie. C’est un endroit où on va nous exposer et des gens nous achèteront et nous emporteront. Nous serons le cadeau de Noël de leurs enfants. Avec l’argent récolté, l’association pourra aider des pays pauvres. C’est merveilleux n’est-ce pas? Tout le monde sera heureux, les enfants et ceux d’entre nous qui auront la chance d’être choisis.
– Tout le monde ne sera pas choisi? s’inquiéta Dido qui réfléchissait à ce que venait de lui annoncer Bernie.
– Non, certains n’auront pas cette chance. Mais rassurez-vous, rien n’est fichu pour eux. Ils seront offerts à des orphelins de pays lointains pour qu’ils aient eux aussi un beau cadeau à Noël. Peut-être que j’aurai la chance de rendre heureux l’un de ces pauvres petits? Ce soir, si personne ne nous choisit, on retourne dans le carton et zou! En route pour l’aventure!
– Comment ça? fit Gocha. Qu’est-ce qu’il se passe pour ceux qui resteront ce soir? Où iront-ils?
Bernie, ferma les yeux et d’une voix grave et profonde, comme celle d’un mage, il susurra les mots suivants :
– Ils découvriront le monde…
Dido et Gocha restèrent bouche bée. Ils regardaient Bernie qui semblait d’un seul coup si loin… Voyage… Aventure… Mystère… Les deux chaussons, sans comprendre vraiment, laissaient leur imagination les emporter loin de ce carton, loin de ce trottoir sale et humide, loin de Misti le gros chat si cruel, loin de la chambre de Lucie…
Ils rêvaient de pays lointains et merveilleux, comme Bernie…
Le lendemain matin, aux premières lueurs de l’aube, un camion se rangea au bord du trottoir. Le conducteur en descendit puis empila les cartons de jouets à l’arrière dans la benne recouverte d’une grande bâche verte. Beaucoup de jouets râlèrent car ils furent jetés sans ménagement! Les trois amis espéraient bien être choisis tout à l’heure…
La benne était déjà remplie de cartons de toutes sortes. Dido et Gocha n’imaginaient pas que tant de jouets étaient laissés à l’abandon! Au moins, ils n’étaient pas seuls…
Le camion repartit et arriva dans un nouvel endroit. Ce devait être le fameux local dont avait parlé Bernie cette nuit. Il s’agissait d’une sorte de hangar avec un grand portail. A l’intérieur, il y avait des tables sur lesquelles on disposa les jouets. Dido et Gocha se trouvaient coincés entre des bottes en caoutchouc très colorées et brillantes et une paire de ballerines délicates et gracieuses. Elles regardaient les chaussons avec un air de mépris en essayant de s’écarter d’eux car ils ne sentaient pas très bon. Les chaussons, défraîchis par une nuit passée dehors, se sentaient tout penauds à côté. Leur espoir d’être choisis s’amenuisa soudain.
Plus tard, quand tout fut prêt, des visiteurs entrèrent dans le local. Ils prenaient leur temps pour choisir des jouets et s’arrêtaient devant chacun d’eux. Plusieurs fois, des mains attrapèrent Dido et Gocha et à chaque fois, les chaussons étaient pétrifiés mais aussi plein d’espoir. Qui serait leur nouveau propriétaire?…
Le défilé dura toute la journée. Bernie trouvait le temps long et il ronchonnait. Avec son oreille rongée et sa salopette déchirée, il ne séduisait aucun client!
A la fin de l’après-midi, après le défilé interminable des familles, les petits chaussons étaient toujours sur la table, tout comme Bernie. Les ballerines étaient parties depuis longtemps ainsi que les jolies bottes brillantes.
La salle d’exposition se vida comme le soir tombait. Il ne restait presque plus rien sur les tables. Quelle chance extraordinaire pour les jouets qui avaient été choisis! Même le pantin désarticulé avait trouvé preneur. Cela fit des jaloux d’ailleurs et on entendait gémir les pauvres jouets délaissés. Dido et Gocha, fort déçus, pensaient à Lucie…
– Je comprends votre peine, fit Bernie aux chaussons, mais ne perdez pas espoir, souvenez-vous de ce que je vous ai dit cette nuit. Un beau voyage nous attend…
Chapitre III : Le monstre
Une fois de plus, tous les jouets délaissés par les acheteurs furent mis dans les boîtes en carton et installés dans le camion. Par chance, Dido et Gocha se retrouvèrent avec l’ours. Tous les trois étaient soulagés d’être ensemble. Le camion démarra pour une destination encore inconnue.
Il roulait à travers les rues de la ville, accélérant ou ralentissant suivant le flot de la circulation. Malgré l’enthousiasme du début, Bernie ne disait plus rien et baissait la truffe en soupirant.
– Qu’y a-t-il Bernie? demanda Gocha doucement.
– Bah, rien, répondit l’ours sans les regarder. Je rêvais tellement de faire le bonheur de quelqu’un. J’avais de l’espoir et puis me voilà à nouveau enfermé, sans savoir où je vais atterrir. Et puis là-bas, à l’autre bout du monde, aucun enfant ne voudra de moi! Quand je me vois, je me dis que ça n’est pas étonnant n’est-ce pas? Regardez l’allure que j’ai, une oreille à moitié déchirée, un seul œil, des vêtements sales et en lambeaux. Comment pourrait-on me choisir?…Il soupira. Je suis las d’espérer…
– Allons, allons Bernie, fit Dido, c’est vous qui nous donniez de l’espoir la nuit dernière et voilà que vous baissez les pattes? Pensez au monde que nous allons découvrir, aux aventures qui nous attendent! Vous devez y croire, Bernie, vous êtes fort et courageux. Nous avons besoin de vous.
– Je suis sûre que vous plairez à un enfant, ajouta doucement Gocha en se calant contre le grand ours. Moi, je vous aime bien.
– Merci les amis, vos paroles me réchauffent le coeur. Je suis content de faire la route avec vous. Bah, je vais dormir un peu, ça me passera bien.
Bernie poussa un long soupir et se tourna de côté pour cacher sa peine. De son œil unique, une larme coulait lentement.
Le camion roulait vite, tous les jouets étaient secoués en tous sens. Certains s’en amusaient comme les petits soldats ou les petits bolides, habitués à être bringuebalés par les enfants. D’autres étaient effrayés, les plus délicats, comme Dido et Gocha.
Enfin, le camion adopta une vitesse régulière et souple. Les chaussons comprirent qu’ils étaient sur une autoroute et cela les rassura. Chaque année, Lucie les amenait avec elle chez sa grand-mère. Ils avaient l’habitude de l’emprunter pour s’y rendre. La grand-mère de Lucie habitait loin, au soleil, au bord de la mer.
– Crois-tu Dido que nous allons dans la même région? demanda Gocha pleine d’espoir.
– J’ai entendu dire qu’on nous conduit vers un port de l’Océan Atlantique, répondit Dido, ce n’est pas dans la même direction il me semble. Et puis c’est difficile de se repérer en étant enfermés dans ce carton de malheur.
Gocha se tut. D’ailleurs, personne ne parlait plus. Chacun écoutait les bruits de la route, une moto qui doublait, un klaxon assourdissant parfois. Le son du moteur, c’était la seule musique qui accompagnait leur voyage. C’était ça l’aventure dont parlait Bernie? C’était plus ennuyeux qu’autre chose…
Alors que tout était calme dans la benne, un cri s’éleva soudain d’un carton voisin. Un cri strident qui glaçait le sang.
– Au secours, hurlait la poupée Barbie d’une voix suraiguë, au secours, aidez-moi, je vous en prie….
D’autres voix s’élevèrent et bientôt, tout le monde se mit à hurler et à gesticuler en tout sens.
– Que se passe-t-il? fit Dido, pas très rassuré par tout ce remue-ménage.
– Je ne sais pas, répondit Bernie, on dirait qu’il y a un problème à côté…
On entendit ensuite des coups métalliques, des chocs, accompagnés de cris de rage. Les jouets se battaient dirait-on! Le carton voisin de nos trois compères se mit à tanguer puis bascula. On entendit un gémissement puis plus rien. Seul le silence, pesant, inquiétant. Même les vrombissements de l’autoroute s’estompaient.
Soudain, Dido et Gocha entendirent des petits cliquetis sur le métal de la benne. Un son glaçant qui se rapprochait : clic…clic…clic
– J’ai peur, murmura Gocha, en se collant à son frère.
– Je ne suis pas rassuré non plus, fit Dido. Et tous deux se réfugièrent derrière Bernie qui s’était redressé de toute sa hauteur.
– Restez bien derrière moi les amis, moi je n’ai pas peur et je vais aller voir ce qu’il se passe dehors.
Il n’eut pas le temps d’en dire plus, quelque chose commençait à déchirer le carton. On apercevait une lame qui lacérait la cloison. Une griffe pointue et bien aiguisée qui descendait en ligne droite, ouvrant la boîte avec une grande facilité. Un museau apparut par l’ouverture puis des dents et enfin, dans les ténèbres, deux yeux rouge vif, fixes, cruels qui firent pousser un cri de désespoir à tous les locataires du lieu : un énorme rat dégoûtant et féroce tentait de rentrer dans le carton. Son museau humait l’air, ses petites pattes griffues écartaient la fente, les longues incisives acérées rongeaient le carton. Deux yeux ronds, diaboliques, perçants, cherchaient une proie idéale à croquer.
Dido poussa un hurlement. Gocha s’évanouit. Et tous, dans le carton, se mirent à crier, à pleurer, à se bousculer pour échapper au rat. Les jouets désespérés se grimpaient dessus, pour fuir par le haut. Une tirelire en forme de cochon disparut dans une maison de poupée en se cassant une patte. Des petites voitures s’engouffrèrent dans un garage. Un singe se cacha le visage derrière ses cymbales agrafées à ses doigts. La scène était cauchemardesque.
Bernie n’en menait pas large en voyant ce monstre à poil gris mais il ne recula pas. Se saisissant d’un cube en bois, il l’abattit sur le museau du rat. Surpris, celui-ci poussa un cri strident de douleur et de rage. L’ours ne s’arrêta pas là. Il lui assena un deuxième coup entre les oreilles qui fit taire définitivement le monstre.
– Je l’ai eu, s’écria-t-il, je l’ai eu! Il ne fera plus de mal à personne je crois.
– Il…il est mort? demanda Dido
– Je ne pense pas, répondit l’ours mais au moins, il va dormir pendant un bon moment.
– Ah tant mieux! Dido se sentit soulagé et tous les habitants du carton poussèrent un ouf de soulagement. Chacun s’approcha prudemment de la bête évanouie et félicita Bernie pour son courage.
Gocha s’était réveillée entretemps et se fit expliquer par son frère ce qu’il s’était passé.
– Vous voyez bien Bernie que vous êtes fort et courageux. On a vraiment besoin de vous sinon, que serait-il advenu de nous?
Bernie ne dit rien mais il était gonflé de fierté. Il se dit que, malgré son état pitoyable, il n’était pas encore fichu. Tout ragaillardi, il prit une décision dont il fit part à ses compagnons d’infortune.
– Les amis, je pense qu’après cet incident, une seule solution s’impose : partir, quitter ce camion.
– Mais Bernie, vous ne pouvez pas faire ça? Et nous? Vous nous abandonnez alors?
– Pas du tout Gocha, je vous propose même de partir avec moi.
– Partir avec vous? Nous n’avons ni votre courage ni votre force, comment survivrons-nous? Et puis où irons-nous?
– Vous voyez bien que nous ne pouvons pas rester dans cet horrible endroit comme des animaux qu’on mène à l’abattoir. Et puis j’ai surpris une conversation d’autres jouets tout à l’heure. Nous ne serons pas offerts à des enfants mais envoyés dans un incinérateur pour y être brûlés. Je ne veux pas finir comme ça et disparaître en fumée moi. Vous non plus j’imagine? Alors nous devons partir immédiatement. Vous avez fui une fois de votre maison, vous pouvez le faire encore.
Les chaussons ne croyaient pas ce qu’ils venaient d’entendre. Ils pensaient avoir échappé à la poubelle en quittant Lucie et voilà qu’on voulait les incinérer? Une vision d’horreur les fit frémir.
– On vient avec vous Bernie, fit Dido, tremblant très fort, mais comment allons-nous nous échapper de ce camion selon vous? Vous y avez pensé?
– J’y réfléchissais tout à l’heure avant la venue du rat. Nous partirons…il leva sa patte vers le sommet de la benne…par là!
Chapitre IV : Liberté !
Les chaussons ne dirent rien pendant un moment puis :
– C’est haut, fit remarquer Gocha. Nous n’arriverons pas à grimper seuls Dido et moi.
– Elle a raison, ajouta son frère, chez Lucie nous montions les escaliers mais toujours accrochés à ses pieds! Comment allons-nous faire?
Bernie regarda les chaussons avec un petit sourire amusé.
– Ne vous tracassez pas les amis, j’ai mon idée.
Dido et Gocha ne voyaient pas du tout comment ils allaient s’échapper. La benne dans laquelle ils étaient enfermés ressemblait tellement à une prison.
– Une question Bernie. Admettons que nous réussissions, que ferons-nous après?
– Nous verrons bien. L’aventure c’est l’aventure! On ne sait pas de quoi demain sera fait. Il est temps de prendre notre destin en main. Au moins, nous resterons en vie n’est-ce pas? Mais si vous n’avez pas assez de courage, vous pouvez toujours rester ici avec les autres et ce gros méchant rat qui va se réveiller bientôt et qui vous dévorera, à moins que ça ne soit les flammes qui le fassent?…
Voyant l’affreuse bête allongée sur le plancher, Gocha trembla de toute sa semelle. Bernie avait raison, plutôt agir que subir. Elle devait bien l’avouer, au fond, elle trouvait cela très excitant de vivre une telle aventure.
– Alors, on y va oui ou non? s’impatienta la peluche.
L’idée de Bernie, pour aider les chaussons à fuir avec lui, était de les installer autour de ses pattes arrière. Il était un peu à l’étroit dedans mais ça devrait tenir pensa-t-il. Puis il commença à grimper le long de la benne. Il s’agrippait comme il le pouvait, tirait de toutes ses forces avec ses pattes avant et poussait de toutes ses forces avec ses pattes arrière. Dido et Gocha collaient le plus possible au métal avec leur semelle de crêpe souple et dure à la fois. L’ascension fut longue, pénible, interminable. Pour tout arranger, Dido avait le vertige. Plus ça montait plus il sentait le malaise l’envahir. De rose, il devenait verdâtre.
Gocha le voyait bien que son frère était malade.
– Accroche-toi Dido, on y est presque!
– Mmmrrggll. Dido n’arrivait plus à parler, il avait peur de vomir tous ses petits pois!
– Ça va en-dessous? fit Bernie en ahanant.
– Oui, oui, dit Gocha.
Mais non ça n’allait pas! Dido était de plus en plus malade et comble de malheur, la patte de l’ours commençait à sortir du chausson. Dido n’avait plus de force et relâchait son étreinte.
Le talon de Bernie était à l’air libre et Dido pendouillait, accroché seulement aux orteils de l’ours.
– Ce n’est pas le moment de relâcher tes efforts, on y est presque petit frère. Et surtout ne regarde pas en bas, l’encouragea Gocha.
– Ça ne risque pas, réussit à dire Dido qui se sentait à bout de force, suspendu dans le vide.
Gocha, elle, regarda vers le fond de la benne pour voir tout le chemin parcouru. Et ses poils de chaussons se raidirent. Sur le plancher du camion, le rat venait de se réveiller. Il semblait furieux et cherchait partout celui qui avait osé le frapper. Il menaçait de manger une Polypocket. Ken, le compagnon de Barbie, n’écoutant que son courage, montra au rat où se trouvait le coupable en désignant lâchement le haut de la benne. Gocha frémit d’horreur en voyant la couardise d’un personnage que tous les enfants du monde adoraient. Bravo Ken, quelle témérité! Barbie le regarda intensément, avec dédain. Ken baissa les yeux…
Le rat distinguait parfaitement dans le noir la silhouette ronde et massive de Bernie qui atteignait bientôt le rebord du container juste sous la bâche. Fou de colère, le féroce animal se rua vers un angle de la benne pour obtenir un meilleur appui. Ce n’était pas chose facile que de grimper le long d’une paroi de métal. Ses griffes glissaient et crissaient dans un raclement atroce. Il parvint enfin à entamer son ascension à force de ténacité rageuse.
– Dépêchez–vous Bernie, cria Gocha, le rat arrive bientôt sur nous!
– Je..fais ce que je peux…je n’ai pas..l’habitude d’un tel exercice et je suis lourd pfff !
Bernie, essoufflé, transpirait et s’épuisait à franchir le haut de la ridelle tout en soulevant la bâche. Pendant ce temps, leur prédateur s’approchait toujours. Dans quelques instants, il fondrait sur les trois fuyards!
Enfin, l’ours parvint à glisser sa tête au-dehors, entre la bâche et le rebord de la benne, tandis que le rat redoublait d’effort pour ne pas voir s’échapper sa proie. Il n’était plus qu’à quelques centimètres…
Bernie était à moitié à l’air libre, à l’étroit entre le bord de la ridelle et la bâche retenue par un gros élastique. Il voyait le paysage défiler à toute vitesse. Le camion roulait toujours à bonne allure. Encore un effort, un dernier coup de rein et il serait entièrement à l’extérieur. Il ne restait plus que ses pattes arrière qui cherchaient un dernier appui pour franchir le rebord. Mais Dido était sur le point de retomber dans la benne, il ne tenait plus que par sa languette sur la patte de Bernie et se balançait, prêt à basculer dans le vide et à s’écraser dans les cartons en contrebas.
– Berniiiiiiiie, hurla Gocha, Dido ne tient plus viiiite, il va tomber!
Dido tremblait et pleurait de peur, il n’avait plus de force. Et comble de malheur, il sentait sur sa semelle le souffle brûlant du rat grondant. Dans un effort héroïque, il réussit à s’agripper encore à la patte de l’ours. Plus pour longtemps. Ses forces l’abandonnaient.
– Accroche-toi Dido, gémit Gocha, s’il te plaît, ne me laisse pas, je t’aime, si tu tombes je tombe avec toi.
– Je…ne peux plus Gocha…je…je vais lâcher…je…t’aime aussi…adieu.
Dido lâcha définitivement la patte de Bernie. Le rat était juste en-dessous, gueule ouverte, prête à happer Dido. L’horrible monstre se régalait d’avance. Les chaussons entendaient les dents de la bête claquer dans le vide, un bruit sec et incisif qui les glaça d’horreur. Ils étaient perdus. En bas, les jouets observaient la tragédie qui se tramait au-dessus d’eux. Ils tremblaient d’effroi pour l’ours et les chaussons.
Au moment où les dents pointues du monstre allaient embrocher Dido, les pattes arrière de l’ours se resserrèrent et se collèrent l’une à l’autre en coinçant le chausson qui fut happé par la force de l’ours. Bernie, Dido et Gocha basculèrent de l’autre côté de la benne, à l’air libre. Le rat mordit si fort dans le vide qu’il se cassa les dents. Les chaussons lui avaient échappé. Il était tellement fou de rage qu’il perdit l’équilibre et bascula dans le fond du camion, au milieu des jouets qui avaient assisté à toute la scène.
Ce qu’il advint du rat, Bernie et ses amis ne le surent jamais…
De l’autre côté de la benne, Bernie, Dido et Gocha étaient toujours suspendus en l’air, accrochés au rebord. Ils n’étaient pas encore tirés d’affaire!
L’ours serrait ses pattes arrière pour que Dido ne tombe pas sur l’autoroute. Gocha tenait tant bien que mal, serrée autour de la patte de l’ours. Avec la vitesse, les trois amis étaient ballottés dans l’air et il ne faudrait pas longtemps avant que Bernie ne lâchât le rebord.
– Nous allons devoir sauter, cria-t-il pour surmonter le bruit du vent et des voitures qui dépassaient le camion.
– Oh non, fit Dido, mais nous allons finir écrasés sur la route!
– Je vais pousser avec mes pattes de toutes mes forces, restez bien accrochés. Gocha, tiens bien ton frère tant que tu peux. Vous êtes prêts?
Alors, Bernie prit un peu d’élan, se cambra en prenant appui de ses quatre pattes contre la paroi de la benne et d’un seul coup, il poussa de toutes ses forces et tous trois furent projetés dans le vide. Un courant d’air les entraîna et ils restèrent un moment en suspens dans le vide au-dessus du fossé. Si les circonstances n’avaient pas été aussi dramatiques, ils auraient apprécié de planer comme ça!
L’ours et les chaussons finirent leur trajectoire sur le talus qui longeait l’autoroute et fort heureusement, de l’autre côté de la glissière, à l’abri des voitures qui passaient à toute vitesse.
Bernie roula dans l’herbe et rebondit plusieurs fois. Gocha, bien serrée autour de sa patte, avait l’impression de passer dans une machine à laver.
Enfin, la chute se termina au fond du fossé, au milieu des hautes herbes, tout près d’un arbuste. Sur une branche, une pie qui faisait une pause vit cette chose étrange qui roulait-boulait. Elle s’envola vivement en jacassant bruyamment, pour alerter ses amis sans doute.
Tout devint calme enfin. Au bout d’un moment, Bernie reprit ses esprits tandis que Gocha gémissait, couchée à l’envers à côté de l’ours.
– Oh bon sang, j’ai mal partout, fit-elle en se tordant dans tous les sens. Je ne sens plus ma languette ! Et toi Dido, ça va?
Pas de réponse…
– Dido! Dido! Réponds-moi!
Mais Dido ne répondait pas. Elle ne le voyait pas et s’inquiéta pour son frère.
– Oh non, Bernie, Dido a disparu. Vous le voyez vous? Vous êtes plus grand, peut-être est-il tombé plus loin? Peut-être est-il… mort? Oh non, pitié! Non!
– Attends, ne dis pas de bêtise, je regarde…Non, je ne le vois pas. Dido! cria Bernie de sa grosse voix d’ours. Dido? Tu m’entends? Réponds-moi! Où es-tu?…
Gocha et Bernie se turent pour écouter. Mais Dido ne répondait pas. Gocha commença à paniquer. Elle sanglota.
– Bernie, qu’allons-nous faire? Il faut le retrouver vite. J’espère qu’il n’est pas resté sur la route. Je suis sûre de l’avoir vu sauter en même temps que nous pourtant.
Tout à coup, Ils distinguèrent un son, faible certes mais un son tout de même, étrange, un peu lointain, comme étouffé.
– hmmppph, rooogneugreulufmmmph
Bernie se releva prestement pour essayer de savoir d’où provenait cette voix étrange. Et d’un coup, cela fut plus net.
– ai é oi! Eu ui ollé a ou a
– Dido! Dido c’est toi? Réponds Dido!
– Ai woua, eu vui a. O é a ou a!
Alors, contre toute attente, Gocha se tordit de rire. Bernie la regardait sans comprendre, interloqué.
– Tu trouves ça drôle Gocha?
– Ne cherchez plus Bernie, je sais où est Dido maintenant! Hihihi. Gocha en perdait le souffle tellement elle riait. Il est tout près de vous, ahahahah, c’est trop drôle! En roulant dans l’herbe, Dido a dû se retrouver dans cette position, ohohoho
– Ah bon, comment ça? Où est-il selon toi? Je ne vois pas ce qu’il y a de si marrant pourtant!
– Dido est là, collé….hihihihi…… à vos fesses!
Chapitre V : La grange
Après avoir bien ri de la mésaventure de Dido et s’être remis de la fuite du camion, l’ours et les chaussons reprirent la route. Ils escaladèrent le talus, franchirent sans difficulté le grillage qui ceinturait l’autoroute puis partirent à travers champ, sans trop savoir où aller. Bernie était heureux d’avoir réussi à s’échapper du camion. Il se sentait libre comme l’air, en compagnie de ses deux charmants compagnons qui, si l’on peut dire, ne le quittaient pas d’une semelle. Dido et Gocha quant à eux, n’étaient pas encore convaincus de l’intérêt de goûter à cette liberté toute nouvelle. Dido s’inquiétait de savoir où les mènerait cette nouvelle aventure. C’est vrai, hier encore, il rêvait de voyage à l’autre bout du monde et voilà qu’il se retrouvait au milieu d’un pré, sans voir plus loin que le bout de ses semelles.
Cependant, quand il repensait au sort qui les attendait dans ce maudit camion, ils se rassura en se disant qu’ils avaient fait le bon choix en suivant leur ami Bernie.
Le jour était levé depuis longtemps, le ciel était bas et un vent froid balayait la campagne faisant bruisser l’herbe gelée. La neige commençait à tomber.
– J’avais déjà vu la neige par la fenêtre chez Lucie, remarqua Gocha mais c’est la première fois que je touche les flocons. Ça n’est pas très agréable.
– C’est carrément insupportable, renchérit Dido, ça mouille, c’est glacé et j’en ai plein à l’intérieur. Il faut trouver un abri et vite. Moi, j’en ai ras la languette de cette promenade!
– Tu veux bien arrêter de râler tout le temps, fit Bernie. Si tu n’es pas content il ne fallait pas venir et rester dans le camion.
– Soyez indulgent Bernie, intervint Gocha, on ne regrette pas d’être venus avec vous mais reconnaissez qu’on est perdus. Tenez, si on se reposait un moment sous cet arbre là-bas?
– D’accord, se résigna l’ours. Vous avez raison, moi aussi j’en ai plein les pattes.
L’arbre, un vieux chêne centenaire, leur procura un abri sommaire car il n’avait plus une feuille mais au moins, il ne neigeait pas dessous, protégeant les aventuriers de ses grosses branches.
– Votre maison ne vous manque pas trop Bernie? demanda Gocha, histoire d’alléger l’ambiance un peu tendue. L’ours prit le temps de répondre.
– Ce qui me manque, ce sont les câlins de Léo.
– Léo, c’est l’enfant à qui vous apparteniez?
– Oui. Je l’aimais beaucoup et il m’aimait encore plus. Il ne m’a jamais fait de mal. Il prenait soin de moi et me câlinait souvent. Je dormais toujours avec lui. Il jouait avec moi et me bisouillait sans arrêt. C’était la belle vie, c’est sûr que ça me manque…
– Mais alors, pourquoi êtes-vous parti? Et qui vous a mis dans cet état-là? Ça vous gêne d’en parler peut-être?
– Non pas du tout, dit Bernie. Il se rembrunit soudain. Si je suis tout abîmé, ce n’est pas la faute de Léo mais de sa cousine Charlotte. Une méchante fille, trop gâtée.
– Comment ça? Dido regardait Bernie et vit dans son œil de l’effroi, de la peine mais aussi de la colère.
– Cette cousine est une horrible petite fille très couvée par ses parents. Ils lui passaient tous ses caprices. Quand elle venait chez Léo, elle lui prenait tous ses jouets et ne se gênait pas pour les casser.
– Ah oui? Mais c’est affreux ça!
– Oui. Ses parents ne disaient rien, ils l’admiraient comme une idole. Les parents de Léo n’osaient trop rien dire pour ne pas faire d’histoire. Quand sa cousine repartait, Léo pleurait. Il la détestait. Il avait beau cacher ses jouets, Charlotte les trouvait toujours et prenait un malin plaisir à tout jeter partout dans la maison.
– Comme c’est triste une enfant comme ça, fit Gocha comme pour elle-même. Je suis désolée Bernie. J’imagine qu’elle vous a fait du mal à vous aussi.
– Oh oui. Si je suis dans cet état, c’est bien à cause de cette…sorcière malfaisante. J’ai volé tant de fois à travers la chambre de Léo en me cognant aux murs et le pauvre, il me courait après et me serrait dans ses bras et Charlotte tentait de m’arracher à lui.
– Pauvre Bernie, j’ai tellement de peine pour vous.
– Vous voyez l’état de ma salopette? C’est à cause de Charlotte. C’est elle aussi qui m’a mordu l’oreille, vous vous rendez compte? Et elle aussi qui m’a arraché un œil!
– Oh comme c’est horrible, gémit Dido. Je n’arrive pas à croire que des enfants si cruels existent.
– Il y en a, fit Bernie. Des cruels et des égoïstes qui ne respectent pas leurs propres affaires et encore moins celles des autres. C’est une vraie souffrance pour nous autres les jouets.
Bernie se tut un moment. Dido et Gocha n’osaient plus parler, pensant aux cruautés commises par cette Charlotte sur leur ami.
– C’est ainsi que je me suis retrouvé dans ce carton, reprit l’ours.
– Ah bon, pourquoi? demanda Dido.
– Les parents de Léo, en voyant mon état désastreux, ont décidé d’offrir une peluche toute neuve à leur fils. Léo ne voulait pas, il pleurait toutes les larmes de son corps, il hurlait dans la maison, se roulait par terre de rage.
– Il tenait beaucoup à vous.
– C’est certain. Je ne l’avais jamais vu comme ça, lui si doux et calme en général. Mais ils ont réussi à le convaincre de me donner à l’Association. Le plus terrible, c’est quand Léo m’a déposé lui-même dans le carton, les joues pleines de larmes. Il sanglotait et ses mains tremblaient. J’avais tant de peine pour lui. Il me sacrifiait pour obéir à ses parents.
L’oeil de Bernie brillait en prononçant ces mots. Son menton tremblotait.
– Il m’a embrassé longuement, m’a serré dans ses bras en me disant tout bas qu’il espérait que quelqu’un m’achèterait. Vous comprenez maintenant pourquoi je ne voulais pas rester dans ce camion à attendre qu’on m’achève encore une fois?
– On comprend Bernie, fit tendrement Gocha, émue aux larmes. Nous partageons votre peine.
– Je sais Gocha. Merci. Mais aujourd’hui, je suis libre et ça me convient très bien.
Bernie se releva d’un mouvement décidé en essuyant son œil d’un revers de patte.
– Allons! En route mauvaise troupe! Ne traînons pas. L’heure n’est plus à la mélancolie. Alors droit devant, nous verrons bien où la route nous mènera! Notre nouveau destin nous attend.
Et Bernie, plantant là ses compagnons, reprit la route et partit tout droit vers de nouvelles aventures, d’un pas décidé.
Les chaussons le regardèrent un moment, saisis par l’histoire de l’ours. Ils l’admiraient en silence, plein de compassion et de respect comme la peluche s’éloignait. C’est là que naquit entre eux cette amitié indéfectible qui unit les êtres.
Ils marchèrent tout le jour et arrivèrent bientôt dans un village traversé par une seule route. Le soir commençait à tomber. Les toitures étaient blanchies par la neige. Quelques cheminées fumaient. Comme Noël approchait, des guirlandes étaient accrochées aux rares lampadaires qui éclairaient la rue. Pas une voiture ne circulait. L’endroit semblait désert. Seul le vent glacial orchestrait ce triste décor d’une musique lugubre.
– Il nous faut trouver un abri pour la nuit, suggéra Dido. Avec ce froid nous ne pourrons pas survivre et nous finirions gelés.
– Tu as raison, répondit Bernie. Un peu de chaleur nous fera du bien.
Les trois amis se seraient bien contentés d’un simple carton mais ils n’en trouvèrent pas. La rue était propre.
Avançant encore sur le trottoir, Gocha interpella soudain ses compagnons d’infortune :
– Regardez, une porte de grange! Le bois est abîmé et il y a un trou au bas. On devrait aller voir.
– Euh, je ne suis pas trop sûr de ce qu’on va trouver de l’autre côté, fit Dido.
– Tu préfères rester dehors? lui suggéra Bernie.
– Bien sûr que non mais…
– Je te croyais plus courageux Dido, le coupa l’ours.
– Pardonnez-moi, s’écria le chausson, mais je n’ai pas l’habitude de dormir dans des cartons, de voyager dans des camions remplis de bestioles monstrueuses ni de sauter dans le vide accroché à une patte de peluche. Alors oui, je ne suis pas très rassuré en effet!
La colère envahissait Dido. Il regarda sa sœur puis Bernie et soudain s’engouffra par le trou de la porte. Les autres, médusés, le suivirent enfin.
On ne voyait rien dans cette grange. Personne n’osait avancer. On ne distinguait pas les murs. C’était comme un néant sans fond, le vide absolu. La nuit.
– Hé pssst!
Bernie et les chaussons se figèrent.
– Hé! Par ici, avancez, ne craignez rien.
– Vous…vous êtes qui? réussit à dire Bernie.
– Approchez, vous verrez, je suis comme vous. Enfin…presque hihi.
La «chose» se mit à rire doucement puis bientôt d’autres rires étouffés montèrent dans le noir. Ça venait de partout. Pour Dido et Gocha, ces rires étaient diaboliques.
– Qui êtes-vous? Pourquoi riez-vous de nous, osa s’écrier Dido qui voulait prouver son courage. Je vous préviens que nous sommes trois et que nous n’avons pas peur de vous!
– Vous êtes trois? fit la voix. Eh bien nous, nous sommes bien plus nombreux et nous non plus nous n’avons pas peur.
Et cette fois, un choeur immense de voix étranges et assourdissantes éclata de rire dans la grange. Gocha se cacha derrière sa languette pour ne plus entendre tous ces rires qui la transperçaient. Dido perdit le peu de témérité qu’il venait de montrer et commença à pleurer. Bernie, bagarreur, se mit en position de combat prêt à donner des coups de pattes bien que le danger pouvait venir de tout côté. Il pensait que la bataille serait perdue mais il défendrait chèrement sa peau de peluche et la feutrine de ses amis.
Tout à coup, une lumière aveuglante inonda le garage. Il fallut quelques instants aux trois aventuriers pour distinguer enfin les contours du lieu où ils se trouvaient.
– Et alors, que se passe-t-il ici? Pourquoi tout ce raffut les jouets?
Silence…
Une vieille dame venait d’allumer la lumière. Elle se tenait sur le pas de la porte, les mains sur les hanches et regardait d’un œil sévère tous les jouets qui se trouvaient sur les étagères. Elle avait dû être dérangée dans son sommeil car elle était habillée d’une longue tunique de gros coton. Sur ses épaules, elle avait jeté un grand châle gris à carreaux. Elle portait des pantoufles d’un autre âge, desquelles dépassaient deux mollets « élégamment » recouverts de chaussettes rayées en laine épaisse. Ses cheveux gris bataillaient sur son crâne. Deux taches rougeaudes lui servaient de pommettes.
Bernie parcourut la grange du regard. Il eut la confirmation qu’il aurait en effet perdu son combat. Il y avait là des milliers de jouets, du sol au plafond, les uns sur les autres, dans des caisses ou posés en vrac. D’autres étaient amoncelés sur une table au centre de la pièce, sous l’unique néon qui éclairait l’endroit. C’était fantastique! Les chaussons n’en revenaient pas. Un vrai bric-à-brac de jouets de toutes sortes. Certains étaient tellement entassés qu’on ne les distinguait pas les uns des autres.
– Regardez Marnie, près de la porte d’entrée, je crois qu’on a de la visite, fit un pompier Playmobil.
Marnie avança dans la grange et se pencha dans la direction que le jouet lui indiquait.
– Tiens donc, des nouveaux! fit-elle, faussement sarcastique. Elle se pencha encore plus, au risque de basculer. Alors mes enfants, on s’est perdus?
Gocha trouva que cette Marnie avait un nez très crochu. Cela lui rappela les histoires de sorcières qu’on racontait à Lucie. Un gros bouton sur son front ridé parachevait le portrait.
Bernie se tourna vers les chaussons et murmura :
– Vous entendez ça?
– Oui on entend Bernie. Un humain qui nous parle.
– Je vous entends, reprit Marnie, oui je vous entends très bien. Je suis vieille mais pas sourde! Et vous aussi vous m’entendez et vous pouvez même me parler ahah!
Les rires reprirent dans le garage.
– Silence vous autres! ordonna-t-elle.
Tous les jouets se turent immédiatement.
– Ah la la, ce n’est pas simple vous savez de s’occuper de tout ce joli monde! Tous ces jouets me donnent bien du souci. Et je n’ai pas beaucoup de temps pour les préparer. Et voilà qu’il m’en arrive d’autres à présent! Et dans quel état mes aïeux! Vous êtes affreusement abîmés. Vous vous êtes vus? Et d’abord, vous arrivez d’où comme ça, dites-moi?
Bernie, Dido et Gocha regardaient fixement cette humaine qui leur parlait. Ils restaient mutiques, tétanisés. Des milliers de questions se bousculaient dans leur esprit mais ils étaient incapables de proférer un son.
– On a perdu sa langue hm? Enfin quand je dis langue…vous, les chaussons c’est votre languette hihihi. Toi l’ours, tu parles! Alors tu peux peut-être répondre à ma question : d’où venez-vous?
– D’un camion.
– D’un camion. Comme c’est étrange. Mais encore?
– D’un carton. Enfin, je veux dire, on nous a mis dans un carton pour nous amener à une association et nous vendre.
– Intéressant, continue. Apparemment, vous n’avez pas été achetés, je me trompe?
– Non, personne ne nous a achetés car nous n’avions pas un bel aspect. Enfin c’est ce que je crois. Alors, on nous a remis dans le camion pour nous donner ensuite à des enfants pauvres d’autres pays, du moins c’est ce qu’on croyait. Mais dans le camion nous avons eu des ennuis et nous nous sommes enfuis.
– Tiens tiens! Pour aller où vous dites? Des pays lointains?…Comme cela est intéressant en effet…
Marnie semblait réfléchir à ce que venait de lui conter la peluche tout en se grattant le menton où des bouquets de poils s’accrochaient librement.
– Comment t’appelles-tu mon grand? reprit-elle.
– Je m’appelle Bernie et voici mes amis Dido et Gocha.
– Vous êtes une sorcière Madame Marnie ? osa demander Dido. Vous allez nous faire bouillir avec des plantes maléfiques et nous découper et tout ?…
Marnie se redressa tellement vite qu’elle faillit tomber en arrière. Toute l’assemblée explosa de rire. Cette fois, la vieille, offusquée par les questions du chausson, les laissa faire.
– Non mais dites donc les savates! Vous me prenez pour qui? Moi une sorcière? Je ne me suis jamais sentie aussi outrée par de tels propos! Vous…vous êtes…vous êtes des malotrus! Des chenapans! Des…Oh puis tiens, je ne sais pas ce qui me retient de vous envoyer dehors! Moi, une sorcière! Est-ce que je ressemble à une sorcière?
– Ben…un peu.
– Ah bon! Marnie se tourna vers les autres jouets qui n’en perdaient pas une miette. Arrêtez donc de vous moquer les jouets et dites-moi si je ressemble à une sorcière?
Les rires cessèrent d’un coup. De longues secondes défilèrent, dans un silence de plomb.
– Eh bien! Personne pour répondre? Marnie embrassait du regard toute l’assemblée. Ses yeux lançaient des éclairs. Les jouets n’en menaient pas large…
Depuis une étagère, une petite voix rompit le silence :
– Vous n’êtes pas une sorcière Marnie. Pas du tout. Mais…la petite voix timide hésita…Mais vous en avez l’air, un peu. Enfin, moi je trouve. Mais sinon vous…
– Oui bon ça va, j’ai compris. Qui a dit ça?
– C’est moi, Bop.
– Bop? Bop l’oursonne? Bop que j’ai trouvée dans une poubelle sur un trottoir? La Bop que j’ai rafistolée?
– Oui. C’est vrai, Marnie. Vous m’avez sauvé la vie. Bop s’enhardit. C’est pour ça que vous n’êtes pas une sorcière. Vous êtes plutôt une magicienne! Oui, c’est ça, une magicienne. Une fée même! N’est-ce pas les autres? Marnie est une fée, vous êtes d’accord? Un peu bourrue et parfois sévère, c’est vrai mais nous lui devons tout.
– Oh oui, oui, oui firent tous les jouets, très soulagés que Bop ait trouvé les mots pour calmer la colère de Marnie. Vous êtes notre fée bienfaitrice, hourrah! Et tous de laisser éclater leur joie et d’acclamer cette bonne vieille Marnie!
La vieille dame, bombant le torse, considéra les jouets. Elle s’attendrit sous les vivats des jouets. On crut même qu’elle allait fondre en larmes. Elle se tourna vers les trois nouveaux.
– Alors, vous voyez bien que je ne suis pas ce que vous dites! Bienvenue chez moi. Et je dois dire que vous avez bien fait de quitter ce camion car si vous y étiez restés, vous n’auriez pas voyagé à travers le monde non. Vous êtes bien naïfs croyez-moi.
– Oui, on l’a su en cours de route Marnie. L’incinérateur…
– Oui, c’est horrible mais oui, on vous aurait jetés dans cet immense four appelé incinérateur…Marnie s’interrompit, semblant réfléchir. Puis son visage s’éclaira.
– Votre chance a tourné mes petits! Ou bien est-ce le Destin? Vous êtes nés sous une bonne étoile en tout cas. Ici, vous êtes chez vous. Demain, je m’occuperai de vous en priorité, vous faites trop pitié à vous voir dans cet état de dénuement. Je vous redonnerai votre éclat, je vous retaperai et ensuite…ensuite…vous partirez en voyage, un vrai voyage, pour de bon cette fois. En attendant, installez-vous où vous pouvez et reposez-vous. Et je veux du silence vous autres, c’est bien compris?
– Oui Marnie, répondirent joyeusement tous les jouets. Bonne nuit Marnie.
– C’est ça, bonne nuit.
Elle éteignit la lumière et sortit. Le silence retomba.
Chapitre VI : Une nouvelle amie
– Venez ici, installez-vous, je vous fais une place.
Bop se tassa pour accueillir Bernie et les chaussons. C’était une mignonne oursonne, toute petite, avec une petite besace cousue sur le côté. Elle avait un petit nœud rouge sur la tête et une jolie robette en toile bleue avec une fraise surpiquée.
– Je m’appelle Bop, dit-elle. C’est comme ça que Fanny m’appelait quand elle était toute petite parce que c’est le seul mot qu’elle arrivait à prononcer. Alors ses parents ont décidé que je m’appellerai Bop.
– Enchantée Bop, moi c’est Gocha, voici mon frère Dido et notre ami Bernie.
– Ravie de vous connaître, fit Bop. Vous verrez, on est bien ici. Marnie s’occupe bien de nous. Bernie, dites-moi si vous me trouvez jolie.
– Euh…oui, oui, vous êtes jolie, avec un sacré caractère en plus! Mais…je…enfin, c’est gênant, on se connaît à peine!
– Eh bien c’est grâce à Marnie, le coupa l’oursonne, indifférente à l’embarras occasionné par sa question. Quand je suis arrivée ici il y a quatre jours, j’étais comme vous, déchirée de partout, sale. J’étais toute nue, plus rien sur le dos. Le chien de Fanny, un vilain teckel, m’avait déchiquetée.
– Oh! fit Gocha.
– Oui, reprit Bop, c’est affreux. Même Fanny ne voulait plus de moi. Alors, ses parents et elle se sont mis d’accord pour me laisser tomber et j’ai fini dans une poubelle.
– Et que s’est-il passé ensuite? demanda Bernie qui avait hâte de savoir par quel miracle Bop était devenue aussi ravissante.
– C’est la vieille Marnie qui m’a trouvée comme elle l’a dit tout à l’heure. Je ne vivais pas loin d’ici dans la petite ville d’à côté. Elle a l’habitude de faire les poubelles.
– Elle fait les poubelles? répliqua l’ours d’un air dégoûté.
– N’en soyez pas choqué Bernie, les poubelles sont pleines de trésor comme moi! C’est Marnie qui m’a sauvée après tout. Sans elle….
Bop ferma les yeux et retint un sanglot. Elle renifla, s’essuya le museau dans la jupe d’une poupée qui dormait à côté et reprit le fil de son histoire :
– Bref, Marnie m’a amenée ici et en deux jours elle m’a entièrement refaite comme vous voyez. La robette, le nœud. Et ce petit sac, elle me l’a offert également.
– C’est fantastique ça! dit Bernie. Vous pensez qu’elle pourra nous redonner un bel aspect à nous aussi?
– J’en suis certaine. Marnie est douée pour ça, c’est son travail. Je vous l’ai dit, c’est une magicienne! Une fée! Elle est tout ça à la fois!
– Une magicienne oui, elle l’est sûrement, dit Bernie. Elle parle aux jouets après tout. Comment fait-elle?
– Les magiciennes ont tous les pouvoirs, vous ne croyez pas? répondit Bop.
– Mais ça n’existe pas en vrai! rétorqua Dido.
– Bien sûr que si et moi j’y crois. Et tu devrais y croire aussi Dido! Ce qui est sûr, c’est que Marnie est une amie du Père Noël. C’est pour lui qu’elle retape les jouets, pour le soulager dans son travail. Vous imaginez tout ce qu’il doit préparer pour les enfants le soir du 24 décembre? Il ne peut pas tout faire tout seul!
– Le Père Noël existe lui aussi pour de vrai?
– Tu en doutais Gocha? Mais vous débarquez d’où les chaussons? Ecoutez, reposez-vous, vous en avez besoin, on discutera de tout ça plus tard. Dans deux jours, vous serez comme neufs.
– Et ensuite? s’inquiéta Dido, que va-t-il se passer pour nous?
– Vous le saurez bien assez tôt. Dormons maintenant.
Eh bien, cette petite oursonne ne manque pas de caractère se dit Bernie en se calant confortablement.
Bop n’avait pas menti. Dès le lendemain matin, Marnie revint dans la grange qui s’avérait être un atelier de réparation pour jouets abandonnés.
– Bon, les amis, au travail! Je vais bien m’occuper de vous. Par qui je commence?
Elle attrapa les chaussons qui n’en menaient pas large. Elle décousit les lapins qui ornaient les languettes. Après ce long voyage, ils ne ressemblaient plus vraiment à des lapins. Marnie les trouvait un brin désuets en fait. Elle les remplaça par des pommes. La vieille dame adorait les fruits. Puis elle trempa les chaussons dans une bassine remplie d’un étrange produit qui sentait bon le savon.
– Mais elle veut nous noyer! s’inquiéta Dido
– Mais non, fit Gocha, pour quelle raison le ferait-elle? Elle veut juste qu’on soit propre!
Contrairement à son frère, elle avait plutôt l’impression d’être traitée comme une star. Les chaussons passèrent la journée à faire trempette dans ce bain plein de mousse.
Pendant ce temps, Bernie se retrouva allongé sur la table d’opération c’est à dire sur l’établi de Marnie. En un tournemain, l’ours fut dévêtu, son œil valide décousu. Les jouets alignés sur les étagères n’en perdaient pas un miette et faisaient même des commentaires, à voix basse de peur de se faire gronder.
– Je ne vois plus rien du tout gémit la pauvre peluche.
– Ne t’inquiète pas Bernie, le consola Marnie, je vais te recoudre deux beaux yeux turquoise, tu seras irrésistible.
Une fois fini, elle l’habilla d’une jolie chemisette à fleurs et d’un bermuda rayé. Et sur la tête, elle le coiffa d’un ravissant Panama. Il ne manquait plus que les lunettes de soleil en somme et Bernie pouvait se prendre pour un homme d’affaire en vacances à Miami!
– Tu es magnifique, fit Bop admirative depuis son étagère.
Aussi incroyable que cela puisse paraître, l’ours se mit à rougir.
– C’est vrai? Tu n’es pas en train de te moquer de moi?
– Non pas du tout! Tu es…irrésistible!
– Laisse-le tranquille Bop, fit la vieille dame. Tu ne le mets pas à l’aise là!
– Non, non, au contraire Marnie, on ne m’a pas souvent dit que j’étais magnifique! Ça me fait vraiment plaisir!
Bernie n’osait pas regarder Bop. L’oursonne lui plaisait bien pourtant. Dido et Gocha s’en étaient aperçus également et souriaient de voir ce gros ours tout intimidé. Gocha pensait que ce serait formidable que Bop et Bernie soient amis pour la vie.
L’oursonne reprit :
– Tu auras beaucoup de succès là-bas.
– Où ça là-bas?
– Là-bas…L’autre Monde
– Quel autre Monde?
– Un endroit merveilleux, fit Bop. N’est-ce pas Marnie?
– Oui c’est vrai mais tu parles trop Bop, fit Marnie, sourcils froncés.
– Pardon Marnie mais c’est plus fort que moi, désolée.
– Il est comment cet endroit si merveilleux? demanda Gocha.
– C’est le Pays inversé, s’enhardit Bop malgré les sourcils froncés qui la fixaient.
– Inversé? Gocha regarda ses amis comme pour trouver en eux une solution à cette drôle d’énigme de « pays inversé ».
– Je peux leur expliquer? hésita Bop en s’adressant à la vieille dame.
Marnie lui fit un léger signe de tête.
– Alors voilà. Le Pays inversé c’est le pays où ce sont les jouets qui décident.
– Comment ça? demanda Bernie.
– Dans cet autre Monde, les jouets choisissent l’enfant avec qui ils veulent être. N’est-ce pas merveilleux? Plus d’erreur, plus de maltraitance, plus d’enfants casse-pied ni tortionnaires. NOUS allons avec l’enfant qui NOUS convient.
Bernie et les chaussons restèrent pantois, l’ours avait la mâchoire pendante. Dido se tordait la languette d’incompréhension.
– Tu…tu veux dire que même nous, les chaussons, nous pourrions choisir notre propriétaire?
– Mais Gocha…ajouta doucement Bop…ce sera NOUS les propriétaires.
Chapitre VII : Le vol
Bop, Bernie et les chaussons passaient les journées sur leur étagère. Ils discutaient, riaient, échangeaient des blagues ou se racontaient leur vie d’avant. On parlait du Pays inversé et les chaussons tout comme Bernie avaient plein de questions à poser pour satisfaire leur curiosité. Puis Bop en vint à parler de son parcours.
D’après ce qu’elle disait, elle n’avait pas eu une vie facile. Elle avait souvent changé d’enfant, ballottée à droite ou à gauche, parfois malmenée, passant de main en main, de chambres d’enfant en garderies scolaires…Elle avait vraiment hâte de connaître ce merveilleux Monde inversé elle aussi.
Dans la grange, quand Marnie était de sortie à la recherche d’autres jouets abandonnés, c’était un joyeux concert de clameurs, d’éclats de rire ou d’empoignades bruyantes.
Quand elle rentrait, un silence tombait d’un coup, assourdissant. Tous la craignaient bien qu’elle n’aurait jamais fait de mal aux jouets, au contraire!
Une nuit, alors que tout était calme, chacun endormi dans ses rêves, un étrange bruit sourd de bois qu’on éclate vint rompre la quiétude du lieu. Bernie fut le premier à se réveiller, ayant le sommeil léger. Dans l’obscurité, il ne voyait rien, malgré ses beaux yeux tout neufs mais il captait des sons qui lui paraissaient suspects.
– Bop, Dido, Gocha! Réveillez-vous, murmura-t-il. Il secoua doucement l’oursonne qui se redressa.
– Qu’y a-t-il Bernie? Pourquoi tu me réveilles, j’étais au paradis des jouets et…
– Chuuut! Ecoute, c’est étrange.
– Je n’entends rien!
– Qu’y a-t-il Bernie? fit Dido qui lui non plus n’entendait rien.
Soudain, tous se figèrent, glacés d’effroi.
La porte de la grange venait de s’ouvrir d’un coup en grand, laissant entrer le vent froid de l’hiver. Deux hautes silhouettes étaient plantées là, immobiles, inquiétantes, dangereuses, découpées par la clarté pâle de la lune, projetant au sol leur ombre géante et lugubre. Bop ferma les yeux. Dido et Gocha se firent le plus petit possible. Bernie ne doutait pas que ces monstres noirs les regardaient tous. La plupart des jouets étaient réveillés mais, effrayés, ils respectaient un silence que même Marnie n’aurait pas osé espérer!
A pas de loup, l’une des ombres avança vers le centre de la grange. Et soudain, une lumière crue, froide, intense balaya la pièce. L’Ombre venait d’allumer une torche pour scruter les étagères.
– Tu crois qu’on va trouver not’ bonheur ici Mo’?
– J’en suis sûr Gus!
– Mais qu’est-ce qu’on en a à faire des jouets hein? Et puis on pourra pas tout mettre dans le fourgon!
– On va prendre ceux qui rapporteront le plus. J’connais la vieille, elle fait du bon boulot en réparant les jouets. Y en a qui valent une p’tite fortune crois-moi! Surtout avant Noël, Il pourra pas r’fuser d’nous les prendre pour un bon prix!
– Mais c’est qui se « Il » Mo’? Tu crois qu’y a un type sur terre à qui on pourrait refourguer des joujoux, franch’ment?
– Sur terre…hum, façon de parler! Mais vaut mieux pas que t’en saches plus pour l’instant. Maintenant tais-toi et contente-toi d’obéir Gus. On n’a pas d’temps à perdre. Si Marnie arrive, on est cuits!
Bernie lâcha un sifflet d’air, histoire de décompresser. Des voleurs, de simples voleurs d’après ce qu’il comprenait de leur conversation. Allons, ce n’était peut-être pas si terrible que ça?
– C’est impensable, murmura Gocha comme si elle avait suivi la pensée de l’ours, des voleurs de jouets! On va se faire prendre et où est-ce qu’on va finir? Pourquoi voler des jouets?
– Pour l’argent, dit Bernie placidement.
– L’argent! Ajouta Bop, l’argent, l’argent. Elle trépignait de rage. Les humains n’ont que ça en tête, l’argent! Toujours l’argent. Nous voler pour de l’argent!
– On ne risque rien nous, fit Dido. Une paire de chaussons comme nous, ça ne vaut pas le feutre qui a servi à nous fabriquer!
– C’est vrai, fit Bernie, ces deux voyous vont prendre ceux qui sont précieux. Mais pour autant, devons-nous les laisser voler Marnie?
– Que pouvons-nous faire? fit Gocha, toujours prête à agir.
Bernie réfléchissait mais aucune idée ne lui venait. Les deux gredins commençaient à charger dans leur camionnette des jouets qui criaient leur désespoir mais que Gus et Mo’ n’entendaient pas car ils n’avaient pas ce don d’entendre les choses propre à ceux qui aiment vraiment les jouets.
La panique commençait à s’emparer de nos amis, cloués sur leur étagère tout en haut, ce qui était somme toute un abri sûr face à ces bandits.
– Je ne peux me résoudre à laisser nos amis se faire kidnapper sans réagir! s’exclama soudain Bernie. Je descends. Vous, vous restez là.
– Certainement pas, fit Bop. On vient avec vous! Elle ne voulait pas se séparer de son nouvel ami.
– Vous croyez que c’est une bonne idée? rétorqua Dido. Nous ne sommes pas de taille et nous risquons de nous faire embarquer aussi. Et où va-t-on nous amener? Que va-t-il nous arriver ensuite?
– Dido, fit Gocha, tu peux rester là si tu veux mais tu seras tout seul, moi je viens. Pas question de laisser Bernie agir sans nous. Et on est plus fort à plusieurs!
– Elle a raison, ajouta Bop. Il faut agir et c’est maintenant!
– Merci les amis, dit Bernie ému. Allons-y. Nous verrons en bas ce que nous pourrons faire. Pas de bruit hein, glissons discrètement le long des ét…
Bernie n’eut pas le temps d’en dire plus que Bop avait déjà sauté dans le vide! Elle rebondit plusieurs fois avant d’atterrir par miracle derrière une caisse qui la cachait à la vue des voleurs. Gocha suivit en plongeant à son tour. Dido, plus prudent, grimpa sur le dos de Bernie qui s’élança ensuite. Il rebondit tellement haut qu’il se retrouva sur la première étagère. Les jouets qui occupaient cet espace le regardaient, médusés. Une voiture de police le fixa en fronçant un phare en signe de mécontentement.
– Pardon les amis, je…je ne fais que passer.
Bernie s’éclipsa prestement et rejoignit les autres en bas derrière la caisse.
– Ils ne nous ont pas vus, ouf! fit Dido en s’installant à côté de Gocha. On fait quoi maintenant?
– On va essayer de s’approcher discrètement de la camionnette, répondit Bernie. J’y vais en premier, suivez-moi. Et silence!!
Il quitta silencieusement l’abri précaire offert par la caisse et longea les étagères alors que Mo’ et Gus s’affairaient à l’arrière de la camionnette. Il avait son idée sur ce qu’il pouvait faire pour empêcher le vol mais il n’en avait pas encore parlé à ses amis.
Il progressa jusque derrière la porte de la grange ouverte. Le froid venant de l’extérieur se faisait sentir plus fort que tout en haut des étagères! Il grelottait mais restait déterminé. Gocha avait suivi comme son ombre le gros ours. Mais les autres avaient un peu hésité et étaient restés près de la caisse. Bernie se tourna vers eux, pas très content. Il leur fit signe d’avancer prestement. Bop s’élança dans l’espace vide entre la porte de la grange et l’angle de la caisse, un espace faiblement éclairé par les rayons de la lune blafarde. Arrivée à la moitié du parcours, elle se figea. Mo’ venait de revenir dans la grange. Il lui suffisait de tourner la tête pour apercevoir l’oursonne!
Bop avait du mal à tenir l’équilibre. Au bout de quelques secondes, elle bascula lentement en arrière. C’est comme si elle avait joué à un, deux, trois…soleil et qu’elle avait perdu! Ce mouvement de chute ne passa pas inaperçu. Mo’ tourna la tête vers elle. Il était intrigué. Que fait cette peluche ici? Elle n’y était pas tout à l’heure?…Il s’approcha. Bop crut que sa dernière heure était arrivée!
Mo’ se pencha et ramassa la peluche.
– Qu’est-ce que tu fais là toi? T’es tombée des étagères c’est ça? Ou bien tu veux qu’on t’emmène? Ahaha, pourquoi pas? Tu n’es pas mal la peluche, bien sapée, mignonnette! Tu dois pouvoir nous rapporter un peu de fric toi!
Mo’ déposa Bop dans la camionnette. Elle était en Enfer, effondrée de s’être fait prendre aussi bêtement. Elle pleura à chaudes larmes.
Dido, comme Bernie et Gocha, avait assisté à toute la scène. Il n’osait plus bouger du tout.
– Il faut sortir Bop de là, fit Gocha à l’adresse de l’ours.
– C’est bien mon intention. J’ai mon idée, il faut absolument s’approcher de la camionnette. Je vais dégonfler un pneu.
– Vous savez faire ça Bernie??
– Oui, j’avais vu ça à la télé…Suis-moi Gocha.
Bernie et Gocha se glissèrent discrètement à l’extérieur de la grange et se collèrent contre la roue arrière du véhicule. Ils essayaient de se faire le plus petit possible, facile pour le chausson mais plus compliqué pour Bernie…
– Gocha, tu vois si tu retrouves Bop à l’arrière. Dès que c’est fait, vous sautez et allez vous cacher de l’autre côté de la rue. Moi je m’occupe du pneu.
Gocha disparut à la vue de l’ours. Elle réussit à grimper à l’arrière. Elle ne mit pas longtemps à retrouver Bop parmi les jouets entassés.
– Bop, viens vite, on sort de là!
Elle n’eut pas le temps d’en dire plus. Gus arrivait avec des jouets plein les bras, qu’il jeta dans le coffre. Il referma les portes. Gocha était coincée avec Bop à l’intérieur, au désespoir…
Pendant ce temps, Bernie s’était placé au pied du pneu avant, plus discret pour ce qu’il avait à faire. Il dévissa le capuchon de la valve. Mais que fallait-il faire après? C’était une chose que de voir des démonstrations à la télé mais en vrai, c’était une autre paire de manches!
Il porta sa bouche à l’embout de la valve et pinça. On ne sait par quelle opération l’air se mit à sortir du pneu en sifflant pour entrer dans la peluche. Il n’eut pas le temps de retirer sa bouche et il se mit à gonfler, gonfler, gonfler tant et si bien qu’il s’envola haut dans le ciel.
Bernie poussa un cri tout en prenant de l’altitude. De ce fait, sa bouche s’ouvrit et l’air avalé put ressortir. Alors on vit l’ours effectuer des tourbillons effrénés. Il virevoltait en tout sens, comme un ballon de baudruche que l’on gonfle et qu’on lâche. Il partait dans toutes les directions, manquant s’écraser contre les murs des maisons alentour. Il remontait, tournait sur lui-même, redescendait puis repartait vers le ciel, tête en haut, tête en bas. Il ne savait plus où il était, brassé comme dans une machine à laver, tantôt à raser la route, tantôt à disparaître dans les nuages. C’en était presque comique de voir ce pauvre ours bringuebalé comme ça.
L’air étant entièrement ressorti de son corps, il retomba et s’écrasa finalement sur le toit de la camionnette. Bien que sonné, Bernie eut la présence d’esprit de s’accrocher à l’antenne de l’auto-radio du véhicule. Celui-ci démarra puisque Gus et Mo’ avaient fini leur sale besogne. Le pneu que Bernie avait voulu dégonfler n’était pas assez à plat pour empêcher la voiture d’avancer. Son plan avait échoué. Lui et ses amis se retrouvaient embarqués dans une nouvelle aventure. Tous ses amis? Non, il en manquait un…
Dido était resté derrière la caisse, médusé par toute cette scène épouvantable. Sa sœur Gocha, Bop et Bernie étaient partis sans lui! Il avait manqué de cran il le savait et il s’en voulait car désormais, il était seul au monde, perdu au milieu des autres jouets. Il tremblait, découragé, dépité, anéanti. Il ne retrouverait jamais ses amis et sa sœur Gocha. Des larmes jaillirent de sa languette, mouillant la feutrine. Il en fut lui-même surpris car il n’avait jamais pleuré. Il s’en voulait tellement de n’avoir pas eu le même courage qu’eux! Tout était de sa faute, depuis le début. Depuis qu’il avait entraîné sa sœur dans cette fuite de la maison de Lucie. Il s’était cru aventurier, téméraire. Il n’était qu’un couard, un lâche. Il se voyait ainsi et cela le torturait tellement qu’il en avait mal jusqu’au coeur même de sa semelle.
Dido resta prostré pendant un long moment, ressassant sans cesse de sombres idées dans son esprit. Il ne voyait rien au dehors, n’entendait pas la rumeur des autres jouets qui commentaient les derniers évènements. Il n’entendait pas qu’on parlait aussi de lui, en mal.
« lâche…sa sœur…courageuse…peureux…héroïne…Bop… »
Sans comprendre tout à fait le sens des propos, il sut qu’on le critiquait. Tout comme les Hommes, les jouets étaient prompts à juger les autres. Cela s’infiltra dans son esprit tourmenté comme l’eau dans une éponge. Dido sortit soudain de sa léthargie. Les jouets avaient peut-être raison après tout, il avait démontré sa lâcheté oui mais il n’était pas que ça. Il avait fui la maison de Lucie, il avait évité les griffes du chat, les dents pointues du rat, il avait sauté d’un camion lancé à toute vitesse, traversé une plaine froide et venteuse. Eh bien non, il n’était pas et ne serait jamais un lâche.
– Vous entendez vous autres, je ne suis pas un lâche! cria-t-il en se tournant soudain vers les étagères qui l’entouraient comme les gradins d’une arène. Je suis Dido le petit chausson vous m’entendez?
La foule des jouets cessa ses rumeurs. On l’écouta.
– J’ai traversé bien des épreuves, comme vous, comme mes amis. J’ai eu mon compte d’aventures moi aussi. J’ai vu et fait des choses que vous n’imaginez pas. Vous n’avez pas le droit de me juger mal. Vous pensez que je vais rester là à me lamenter, à gémir? Eh bien non, il n’en est pas question! Je vais retrouver Gocha, je vais sauver mes amis, je remuerai ciel et terre, j’irai au bout du monde s’il le faut. Je n’abandonnerai pas.
Dido se tut et défia l’assemblée du regard. Intérieurement il tremblait, de tristesse et de rage. Mais il n’en montra rien, gonflé à bloc par ses propres mots dont il avait peine à croire qu’ils venaient de lui!
Puis un claquement se fit entendre, discret d’abord puis plus fort. Un petit soldat tapait sur son tambour avec ses baguettes, pam, pam, pam. Bientôt, tous ceux qui pouvaient faire du bruit, avec un objet, avec leurs petites mains, tous ceux qui avaient une sonnette, un klaxonne, une trompette, un bout de bois se mirent à frapper, de plus en plus fort.
Dido écoutait ce concert, fasciné, fier, tendu. On l’applaudissait, on l’ovationnait. On le croyait.
Cela dura quelques minutes, sans interruption.
– Eh bien, eh bien hola!!! Qu’est-ce qui vous prend les jouets, fit une voix si forte qu’elle couvrit tous les bruits émis par les jouets. Pourquoi tout ce raffut? Vous trouvez ça amusant de me réveiller en pleine nuit?
– Marnie…il…il est arrivé quelque chose de grave!
– Quoi donc Dido? Et d’abord qu’est-ce que tu fais là par terre? Et qui a ouvert la grange?
– Des…des voleurs, poursuivit Dido. Des voleurs sont venus et ont emporté des jouets. Et aussi mes amis et ma sœur. Je…je suis tout seul maintenant
– Des voleurs? Mais…qui? Qui voudrait prendre des jouets?
– Je ne sais pas, fit doucement Dido. Je sais que quand ils se parlaient, ils s’appelaient par leur nom : Mo’ et Gus.
– Mo’ et Gus…tu es sûr Dido? C’est bien les noms que tu as entendus, fit Marnie en se grattant les poils du menton.
– Certain Marnie, vous pouvez demander autour de vous tout le monde a entendu.
– Mo’ et Gus…tiens, tiens!
– Vous les connaissez?
– Oh oui, je les connais ces moins que rien, ces misérables crapauds, ces infâmes. Des voyous sans vergogne. Des vilains, des méchants. Et je sais qui leur a commandité ce forfait!
– Ah bon? Comment ça? interrogea Dido.
– Ils ne volent pas des jouets par hasard, pour leur plaisir. Je sais à qui ils vont vendre leur butin, à cet horrible personnage, plus machiavélique encore. Et je sais où le trouver!
– Et où est-il? Il faut les rattraper Marnie et vite! Et je viens avec vous.
Chapitre VIII : La poursuite
Marnie accepta la présence de Dido. Elle n’aurait pu l’empêcher de venir de toute façon sachant ses amis en danger. Elle se précipita vers sa voiture après avoir bien refermé la grange à double tour. Marnie possédait une vieille Jeep de l’armée américaine qui datait de la Seconde Guerre Mondiale mais qui roulait toujours, ô miracle!…
Elle démarra en trombe et traversa les rues du village à toute vitesse. Elle conduisait à sa façon, n’ayant pas le permis!
Au même moment, à quelques kilomètres de là, la camionnette poursuivait tranquillement sa route. Bernie restait accroché à l’antenne sur le toit. Il était gelé, à tel point qu’il n’arrivait plus à réfléchir. Que faire maintenant de toute façon?
Mo’ et Gus ignoraient la présence d’un ours en peluche sur le toit et ils n’imaginaient pas non plus qu’ils puissent être poursuivis par une vieille dame.
Ils se bidonnaient d’avoir volé tous ces jouets. Ils s’imaginaient déjà riches.
– Mo’, tu crois qu’on pourra en tirer un bon prix?
– Ben j’pense que oui Gus. Le « patron » sera content de nous. Il voulait que j’vole des jouets, c’est pour ça que j’t’ai appelé pour m’aider.
– Mais c’est qui ce « patron »?
– On l’appelle le Père Léon.
– Le Père Léon, tu parles d’un nom toi!
– C’est pas par hasard figure-toi!
– Ah ouais?
– Ben non! C’est l’ennemi juré du Père Noël. C’est comme qui dirait son opposé, son miroir, tu vois? Léon et Noël, Noël et Léon. Des frères ennemis. Léon, il déteste le Monde inversé et c’est pour ça qu’il habite sur terre, le monde à l’endroit.
– Le Monde inversé? C’est quoi ça encore?
– Ben c’est l’monde où tout est inversé, tout le contraire de not’ monde à nous.
– On marche la tête en bas?
Mo’ éclata de rire.
– Mais non, pomme à l’eau! Pas inversé comme ça! C’est comme un monde parallèle, y paraît parce que moi j’y suis jamais allé et j’crois pas que j’pourrais. Mais j’en ai entendu parler des fois en allant chez le Père Léon. Dans c’monde à l’envers comme on dit des fois, c’est pas les adultes qui commandent, c’est les gosses.
– Non!!! Gus ne pouvait pas croire ça. Tu charries?
– Non, non. Jte jure qu’c’est vrai. Les enfants décident de tout tu vois. Qui s’ront leurs parents par exemple. Du coup ça change toutes les habitudes tu comprends? Et les jouets choisissent l’enfant qu’ils veulent. Il y a des règles bien sûr, on ne peut pas faire n’importe quoi mais paraît qu’la vie y est chouette. Tout ce que déteste le Père Léon en gros.
– Ben ça alors ça m’aurait arrangé moi. Parce que quand j’étais gosse, je t’assure que c’est pas moi qui commandais à la maison!
Gus plongea dans ses pensées puis déclara.
– Alors ça veut dire que les voleurs vont pas en prison dans ce Monde inversé?
– Y a pas de voleur là-bas, fit Mo’ en faisant un clin d’oeil appuyé vers Gus.
– Ah bon?
– Ben non, c’est les enfants qui dirigent. Les mômes sont pas des voleurs tu sais! C’est les adultes qui volent en général. Les enfants éduquent bien leurs parents pour qu’ils les aident à grandir. Les parents obéissent bien et du coup les enfants sont bien élevés. Donc, pas de voleurs, pas de bandits. Y a même pas de juges ni de policiers ni de prison dans le Monde inversé.
– Pas de prison? Le rêve!!!
– Oui, Gus, c’est un rêve…
– Tu crois qu’on pourrait y vivre nous.
– Non j’crois pas. C’est pas not’ monde…
Mo’ commençait à avoir un peu froid dans cette vieille fourgonnette. La route gelée était encore longue et périlleuse, devenue glissante par endroit. Il avait envie d’un bon café bien chaud. Gus aussi. Ils décidèrent de faire une pause et ne tardèrent pas à découvrir un bistro au bord de la route. Le matin pointait timidement le bout de son nez à l’horizon. Le ciel pâlissait doucement. Peu de voitures circulaient. Les gens honnêtes dormaient encore, calfeutrés dans leurs maisons, bien au chaud.
Mo’ et Gus poussèrent la porte du bar. Il faisait si bon à l’intérieur. Une odeur de croissants chauds et de café vint taquiner leurs narines. Les deux malfrats se détendirent. Ils étaient les premiers clients du jour. La patronne leur fit un grand sourire, les invitant à s’installer au comptoir.
– J’arrive messieurs, installez-vous.
– Je ne vois pas de camionnette blanche Marnie.
– Ils ont pris de l’avance Dido. Mais ne t’inquiète pas, on va les trouver.
Le petit chausson était installé derrière la vitre sur le tableau de bord de la Jeep. Marnie conduisait tant bien que mal cet engin d’un autre temps et Dido essayait vainement de ne pas tomber. Mais ce n’est pas ça qui le souciait. Il pensait à ses amis, à sa sœur, est-ce que Marnie allait les retrouver? Et pourra-t-elle les sortir de là? Il avait peur et eut envie soudain de rentrer chez Lucie pour se cacher sous son lit, être au chaud et à l’abri. Il désespérait car cela n’était qu’un rêve…C’est si dur d’affronter son destin! Il se sentait tellement faible et fragile!
– Regarde Dido, ils sont là? fit soudain Marnie.
– Où ça? Je ne vois rien!
– Leur camionnette là, sur le parking, devant le bar. Je vais me ranger plus loin.
Marnie gara la Jeep sur le côté de l’établissement. La neige au sol était plus épaisse et il n’y avait aucune trace de roue. L’endroit était désert encore, en ce matin neigeux de décembre.
Elle s’approcha du véhicule où les jouets étaient enfermés, Dido dans la poche de son manteau. Il aurait marché, il se serait gelé la semelle.
Elle fit discrètement le tour de la camionnette, essayant d’ouvrir les portes : fermées! Zut! Elle se posta à l’arrière et frappa discrètement.
– Hey! Gocha, Bop! Vous êtes là? Silence…
Elle frappa un peu plus fort et monta le ton de sa voix.
– Qui…qui c’est fit une voix timide.
– C’est Marnie, je suis avec Dido. Il m’a tout raconté.
– C’est vrai! C’est vous Marnie? Je suis avec Gocha et les autres. S’il vous plaît sortez-nous de là, je vous en supplie!
– Bien sûr Bop, on va vous sortir de là mais c’est fermé à clé. Je dois la récupérer d’abord. Ne bougez pas les jouets, je reviens vite!
– Comment voulez-vous qu’on bouge, on est enfermés ici!
– Oui…bien sûr…où ai-je la tête, fit Marnie en levant les yeux au ciel.
Une autre voix se fit entendre soudain, faible et chevrotante.
– Maar..n…niiii…Maar…niiiii….j j j j…Je…su…i…l l l l laaaa
– Qui parle? fit Marnie, intriguée.
– B b b b b Beeer Beeerrr Ber…niiiiiiieee
– Bernie tu es où?
– Le…le…le T t t t t tooit.
Marnie finit par comprendre que l’ours était sur le toit de la camionnette.
– Descends Bernie, tu ne risques plus rien.
– Je…je ne peux pas, mes pattes sont collées à l’antenne.
– Je vais t’aider Bernie, attends.
Marnie se haussa sur ses jambes pour l’arracher à l’antenne. Celle-ci pliait mais Bernie ne pouvait pas se détacher. Elle tira plus fort en le tenant par son bermuda qui lui resta dans les mains.
– Qu’est-ce que vous faites Marnie, gronda Bernie. Je suis tout nu là!!!!
– Désolé Bernie, tes pattes sont gelées, je n’arrive pas à te défaire de l’antenne. Allez, on recommence. Je prends tes pattes arrière. Je vais tirer très fort cette fois.
Marnie tira si fort en tenant Bernie qu’il finit par arracher l’antenne. Tous deux basculèrent au sol et l’ours vola sur le parking, l’antenne toujours collée aux pattes. Il fallut quelques minutes pour la lui ôter, en soufflant sur ses membres pour les réchauffer.
– Bernie, tu vas bien? fit Dido, inquiet.
– Mm, ça va, ça va. Merci Marnie mais j’aimerais bien me rhabiller maintenant, je suis archi gelé.
– Va dans la voiture, on a un truc à faire, je n’en ai pas pour longtemps.
Marnie se dirigea vers l’entrée du bar. Les vitres blanchies par le froid, couvertes de givre, empêchaient de voir l’intérieur. Heureusement d’ailleurs se dit Marnie. Comme ça Gus et Mo’ ne me voient pas non plus!
Elle poussa la porte. Les deux bandits étaient au comptoir et lui tournaient le dos. Ils sirotaient leur café noir et papotaient paisiblement à voix basse. Puis, Mo’ leva le regard vers le miroir du bar qui lui faisait face. Il aperçut alors, dans son dos, la silhouette boudinée de la vieille qui s’approchait d’eux doucement, une chaise tenue au-dessus de sa tête…
Nom d’un chien, qu’est-ce qu’elle fait là mémé!!??
Mo’ eut juste le temps de s’écarter avant que la chaise en bois ne s’abatte sur le zinc et se fracasse en mille morceaux. Gus, qui n’avait rien vu lui, fit un bond de singe avant de s’affaler par terre. Le temps qu’il réalise ce qui lui arrivait, il reçut un bon coup sur le crâne et s’évanouit pour de bon. Mo’ en profita pour déguerpir. La patronne du bar sortit de la cuisine en entendant tout ce ramdam.
– Mais…Madame, que faites-v….
– Appelez les gendarmes! fit Marnie qui parlait à toute vitesse. Ces types sont venus chez moi voler mes affaires, mes jouets que je donne au Père Noël. Lui c’est Gus. L’autre qui s’enfuit c’est Mo’. Ils sont connus, croyez-moi. Appelez maintenant, ne vous inquiétez pas, je vous rembourserai plus tard. Je vous laisse cette adresse (elle griffonna quelques mots sur un bout de papier), c’est là que les gendarmes nous trouveront. N’oubliez surtout pas de leur donner, c’est très important.
– D’a…d’accord, fit Odette tandis que Marnie lui fourrait le bout de papier dans la main.
La patronne du bistro resta interdite tandis que Marnie repartait déjà à la poursuite de Mo’ qui s’engageait sur la route en zigzaguant. Elle se pencha prudemment par dessus le comptoir pour voir Gus qui commençait à revenir à lui, en gémissant. Il n’y avait personne d’autre dans la pièce. Odette fit le tour du bar, s’approcha furtivement, prit un bout de chaise resté sur le zinc sans quitter Gus des yeux. Le voleur se frottait la tête endolorie, son regard était vague, une lueur d’incompréhension dans les yeux. Odette regarda autour d’elle pour s’assurer que personne ne la regardait puis assena un bon coup sur la tête de Gus qui repartit pour de bon au pays des songes. Odette pouvait maintenant appeler tranquillement les gendarmes.
Chapitre IX : Père Léon
Mo’ n’était pas rendu bien loin. Marnie, qui n’avait pas peur de la vitesse, prenant tous les risques malgré la neige et le verglas, eut tôt fait de le rattraper.
– Marnie, vous allez faire quoi maintenant pour arrêter Mo’? Et c’est quoi cette adresse que vous avez laissée à la dame du bar?
– Rien pour l’instant, Dido. Je vais le suivre, sans me faire remarquer. Je crois savoir où il va. C’est pour ça que j’ai donné l’adresse à la patronne pour qu’elle prévienne les gendarmes.
– Est-ce bien prudent tout ça? On va au devant de graves ennuis là!
– Oui je sais Dido, mais si tu veux revoir tes amis, il faut que tu me fasses confiance, d’accord?
– Oui Marnie, bien sûr. Mais dites-moi au moins où on va?
– Chez Léon.
– Léon? C’est qui ça encore que ce Léon?
Marnie expliqua à Dido qui était Léon. Un odieux personnage en conclut Dido dont la languette se mit à trembler encore une fois.
La sorcière continuait de suivre Mo’ à bonne distance. Celui-ci, très concentré sur la route, ne prêtait aucune attention à ce qui se passait derrière. Il avait eu sa dose de frayeur tout à l’heure dans ce maudit bistro et s’il voulait trouver le Père Léon rapidement et empocher son argent, il ne devait pas s’éterniser sur la route. Tant pis pour Gus.
Il traversait des villages, des champs gelés, un désert morne et blanc, essayant de ne pas déraper. Le soleil hésitait encore à se lever. Les phares de sa camionnette avait bien du mal à éclairer la route devant.
Enfin, il traversa une sombre forêt où il faisait encore bien noir. La neige était plus épaisse sur la route et les pneus crissaient lugubrement. Au milieu des arbres sombres, si Mo’ avait pris la peine de tourner la tête, il aurait aperçut d’étranges lueurs, des petits points brillants qui le fixaient, des éclats inquiétants surgis de la nuit, féroces. Il ne vit pas ces yeux fixes et maléfiques heureusement car il se serait évanoui de peur. Mo’ avait trop hâte d’en finir.
Enfin, il ralentit et tourna sur un chemin qui s’enfonçait dans les bois. La camionnette cahotait dans les ornières. Il dut rouler au pas jusqu’à ce qu’il atteigne une haute grille en fer forgé.
Il descendit et alla près d’un pilier où une cloche était accrochée. Il la fit tinter, attendit un long moment dans le froid et le silence de ce lieu étrange qu’il connaissait bien mais qui le glaçait tout le temps. Mo’ avait déjà rencontré le Père Léon. Il ne l’aimait pas, pour tout dire il en avait peur. Mais il payait bien…
Enfin la haute grille s’ouvrit lentement, en grinçant. Mo’ remonta dans la voiture et s’engagea dans une allée qui restait sombre même les jours d’été. Il serpentait entre de grands arbres lugubres dont les branches semblaient s’écarter au passage de la camionnette, comme s’il était attendu. Le voleur frissonnait. Il se sentait mal à l’aise mais s’il voulait devenir riche, il devait bien aller jusqu’au bout.
Enfin la forêt fit place à une large cour gravillonnée où trônait un grand bassin en pierre rempli d’eau sale. Il se gara devant l’entrée. La maison était une vieille demeure plutôt austère, très haute, grise avec de grandes marches donnant sur un perron et une lourde porte d’entrée en bois sombre. De part et d’autre, de hautes fenêtres l’encadraient. La demeure semblait abandonnée mais Mo’ savait que ça n’était pas le cas. Il avait hâte d’en finir alors qu’il n’avait pas encore franchi le seuil.
La grande porte s’ouvrit soudain en grinçant et un homme étrange en livrée, long, guindé, presque chauve, descendit les marches d’un pas lent et s’approcha de Mo’ qui avait toujours pensé que ce domestique ressemblait plus à un vautour qu’à un être humain. Il s’appelait Igor.
– Bonjour Monsieur Mo’. Mon maître vous attend, veuillez me suivre.
Sa voix était profonde et grave, le ton compassé, martial. Un autre monde pour le petit voleur.
Les deux personnages traversèrent un vaste hall, gravirent un immense escalier et se dirigèrent vers une haute porte ouvragée. Le majordome frappa, attendit.
– Entrez!
Mo’ ne put se retenir de trembler. Il voulait s’enfuir à présent. Trop tard.
Mo’ fut introduit dans la pièce qui était en fait un bureau dont certains murs étaient entièrement couverts de livres. Toutes sortent d’objets hétéroclites traînaient un peu partout dans la pièce, des malles débordantes, des animaux empaillés, des vieilles mappemondes, des armures de chevaliers alignés le long des murs montant la garde, des chevaux à bascule anciens. Des vitrines sales enfermaient toutes sortes de figurines, des personnages en miniatures, soldats de toutes les armées du monde et de toutes les époques, des petites voitures de collection, objets si étranges dans ce lieu lugubre. Par terre, des rails de chemin de fer étaient assemblés et des trains d’un autre temps se tenaient couchés à côté.
Au fond de la pièce, un bureau faiblement éclairé d’une pâle lumière tombant d’une lampe empoussiérée. Derrière le bureau, un homme immobile, comme une statue : Léon.
– Approche Mo’.
Mo’ avança avec précaution pour ne rien renverser ni écraser les trains miniatures qui jonchaient le parquet grinçant tandis que Igor refermait la porte sèchement ce qui le fit sursauter.
– N’aie pas peur. Approche.
Mo’ fit les quelques pas nécessaires pour franchir la distance entre la porte et le bureau de Léon. Plus il s’approchait mieux il distinguait la silhouette de cet étrange personnage.
Léon était maigre, avec un visage étroit, très allongé qui se terminait par un grand menton anguleux. Ses yeux disparaissaient dans leurs orbites, cachés par d’épais sourcils. Ils se réduisaient à deux points brillants, scrutateurs. C’était la seule marque de vie exprimée par ce visage froid et immobile. Léon portait une robe de chambre en satin, aux motifs sombres. Ses mains étaient posées à plat sur le bureau, les doigts comme des serres de rapace, secs et anguleux aux ongles longs et noirs. Les jeux d’ombres et de lumière sculptaient son visage blafard. Mo’ ne put s’empêcher de penser qu’il avait devant lui…un mort !
– Assieds-toi.
La voix était métallique.
Mo’ s’assit, au bord du fauteuil, mal à l’aise.
– Que m’amènes-tu aujourd’hui?
– Des jouets Monsieur Léon. J’ai pensé à vous comme chaque année. Je sais que vous y tenez. Vous aimez les jouets.
– hahaha, non. Je ne les aime pas.
Le rire de Léon était affreux, un rire caverneux, froid comme la mort, atroce. Ses lèvres ne bougeaient pas et aucun rictus de joie ne marquait son visage.
– Tu sais ce qui me fait plaisir? Deux choses : nuire au Père Noël, cet imbécile qui cède au moindre désir de ces vauriens d’enfants.
Faire du mal aux enfants en les privant de ce qu’ils aiment le plus : les jouets.
Les jouets ne servent à rien. Je les veux pour moi car tant qu’ils sont là, ils ne sont pas entre les mains de ces horribles marmots égoïstes et piailleurs.
– Ah, fit Mo’ qui ne savait pas trop quoi dire.
– Qui as-tu dévalisé cette fois-ci?
– La grange de Marnie.
– Vraiment? Félicitations Mo’! Tu ne pouvais pas me faire plus plaisir. Je déteste cette sorcière également, cette esclave soumise. Va chercher ton butin. Tu seras récompensé à la hauteur de ton exploit.
– Tout de suite Père Léon.
Mo’ se leva, tout content de quitter la pièce et toucher le gros lot, pour une fois. Intérieurement, il frétillait de joie. Léon allait le payer grassement pour son « exploit » ! A lui la fortune!
Il dévala les escaliers, ouvrit la porte d’entrée et se dirigea vers sa camionnette. Il s’arrêta tout net. La porte arrière du véhicule était ouverte. Il jeta un œil à l’intérieur : vide!
– On m’a volé! Oh non c’est pas possible, on m’a volé! Je suis mort.
Mo’ allait presque pleurer. Il donnait des coups de poing sur la carrosserie, enragé, apeuré. Léon allait le punir, c’est sûr. Que faire? Il savait bien qui l’avait volé. Marnie. Elle l’avait suivi. Mais comment avait-elle pu franchir le portail?
– Sale sorcière, fit Mo’. Ta magie te protège toi. Moi je ne suis qu’un pauvre homme qui trime pour gagner sa vie. Personne ne me protège moi.
Il gémissait, trépignait, comme un enfant capricieux. Il n’entendit pas une estafette s’approcher tellement il était meurtri par le « vol » qu’il venait de subir.
– Ne bougez pas, vous êtes en état d’arrestation.
Mo’ se retourna et vit enfin les gendarmes. Son sang se glaça. Il ne manquait plus que ça!
– Mais qu’est-ce que vous voulez? Je n’ai rien fait? Pourquoi m’arrêter?
– Vous avez commis un vol, chez Madame Marnie. Nous avons votre complice déjà, Gus. C’est Odette la patronne du bar qui nous a prévenus. Il a tout avoué. Ne résistez pas, c’est fini pour vous.
Mo’ se figea. Il hésitait entre se laisser emmener par les gendarmes ou bien courir le plus vite possible pour leur échapper. Il n’eut pas le temps de choisir. Le Père Léon venait d’apparaître à l’entrée de la maison.
– Qui êtes-vous? fit l’un des deux gendarmes, c’est vous le propriétaire des lieux? Doit-on vous arrêter vous aussi?
Léon ne dit rien, leva son bras et, tendant son doigt long et maigre en direction de Mo’ et des gendarmes, il projeta vers eux un terrifiant rayon rouge qui enveloppa tout le monde ainsi que les véhicules. En cinq secondes, tout disparut.
– Igor!
Le majordome s’avança dignement avec un plateau posé sur sa main, comme un serveur de restaurant. Il descendit l’escalier et marcha vers l’endroit où se tenaient il y a quelques instants encore Mo’ et les gendarmes. Léon les avait réduits à l’état de figurines ainsi que les véhicules ! Igor se baissa pour les ramasser. Tout ce minuscule petit monde désormais inoffensif tenait facilement sur son plateau.
– Merci Igor, allez ranger ces nouveaux « jouets » dans la vitrine de mon bureau. Ils ne sont pas nés ceux qui pourront m’arrêter, ahahah.
Chapitre X : Surprise !
Marnie était tellement heureuse de retrouver les jouets et ses amis les chaussons ainsi que Bop et Bernie qu’elle avait du mal à se concentrer sur la route. Tout le monde était joyeux et parlait en même temps dans la Jeep, heureux de retrouver leur fée, excités de se sentir libre. C’était un vrai soulagement.
– J’ai eu si peur, fit Bop.
– Oui moi aussi, dit Gocha. On ne pensait pas que vous nous retrouveriez Marnie!
– Elle est trop forte Marnie, fit Dido, je n’y croyais pas non plus mais je l’ai vue à l’oeuvre. Marnie, vous n’avez peur de rien vraiment! Et j’imagine la tête de Mo’ en voyant sa camionnette vide!
– Je n’ai pas peur des petits vauriens comme Gus et Mo’, ça c’est sûr. Je craignais surtout le Père Léon. Heureusement, on a pu vous sauver avant qu’il ne nous surprenne.
– Il est si effrayant que ça? fit Bernie.
– Oh oui crois-moi. Il a des pouvoirs terribles. Il sait transformer les choses et les gens en jouets miniatures lui. Et quand ça arrive, on est prisonnier à vie, sans pouvoir parler ni bouger. A l’heure qu’il est, je suis sûre que Gus et Mo’ sont posés sur une étagère chez le Père Léon, pour toujours. C’est affreux.
– Brrr, frissonna Bop, je ne voudrais pas être à leur place. Pourtant, ils l’ont bien mérité.
– Ne dis pas ça la coupa Bernie. Ce sont de pauvres hommes au fond. Je suis certain qu’ils auraient pu se racheter un jour. Mais on ne le saura jamais…
La Jeep continua sa route. Le calme revint. Certains jouets, épuisés, somnolaient. Un petit chien en peluche ronflait même, ce qui fit sourire Bernie et les chaussons.
Le jour était entièrement levé quand Marnie se gara devant la grange. Le ciel était bleu et pur. Le vent froid de la nuit avait disparu. Tout semblait calme. Mais une chose intrigua Marnie : la porte de la grange était ouverte en grand!!
– C’est pas vrai, qu’est-ce qu’il se passe encore. Qui est venu ici?
Elle s’approcha tandis que Dido, Gocha, Bernie et Bop descendaient à leur tour.
Le fond de la grange était tout noir et il fallut à Marnie un temps assez long pour que ses yeux s’habituent à la pénombre.
– Qui est là?
Elle avait aperçut une silhouette imposante mais elle n’aurait su dire de qui il s’agissait.
– Qui êtes-vous? Que faites-vous ici?
La silhouette se redressa et avança lentement vers Marnie. Celle-ci n’en menait pas large. Elle avait eu sa dose d’émotion depuis cette nuit!
– N’aie pas peur Marnie, ce n’est que moi.
La voix était profonde et chaleureuse, aux intonations joyeuses et rassurantes.
– C’est…c’est vous?
– Oui Marnie…
– Mais…mais que…faites-vous là? Marnie tremblait d’émotion.
– Je suis au courant de ta petite mésaventure. Tu sais bien que rien ne m’échappe quand il s’agit des jouets. Surtout avant les fêtes…
Marnie en resta sans voix. Elle ne s’attendait pas du tout à voir chez elle celui qu’elle admirait tant, son idole absolue.
Les chaussons et les peluches étaient cachés, agglutinés derrière les jupes de Marnie, impressionnés par cette grosse voix et cette silhouette ronde et imposante qu’il devinait dans l’ombre.
– C’est qui? fit Dido. On va encore avoir des ennuis c’est ça? Il recommença à gémir.
Marnie se pencha vers les jouets.
– Mes amis, commença-t-elle, émue, laissez-moi vous présenter…elle marqua un temps…le Père Noël!
– Marnie…tu veux dire…LE Père Noël? Le vrai? demanda Gocha, incrédule.
– Tu crois qu’il y en a un autre, répondit tout bas Bernie pour la railler.
– Oui Gocha, sourit Père Noël, c’est bien moi ohohoh. Je comprends que tu sois surprise mais oui c’est moi. Il riait et son gros ventre se balançait en même temps.
– C’est fou ça, ajouta Bop. Je suis trop contente de vous voir Père Noël. Alors vous existez vraiment?
– Tu en doutais? reprit Marnie.
– Ben, un peu. On ne croit que ce qu’on voit non?
– Mais rien ne prouve que ce que tu ne vois pas n’existe pas, ajouta Dido. N’est-ce pas Marnie?
– Bien sûr, fit-elle, si l’on ne croyait qu’en ce que l’on voit, on ne croirait pas en grand-chose.
Bernie écoutait cet échange mais il avait du mal à suivre, après une nuit aussi éprouvante. – – La Terre est ronde mais en as-tu fait le tour chère Bop? dit Marnie en adressant un clin d’oeil à Bop.
– Euh…non, en effet mais tout de même, là, c’est le Père Noël.
– Qu’est-ce que vous faites-là d’ailleurs? lui demanda Marnie.
– Je tenais en personne à vous féliciter tous pour votre bravoure. Vous avez été bien courageux cette nuit. Vous avez pris des risques incroyables et toi Marnie, ma fidèle Marnie, tu n’as pas hésité à affronter mon ennemi juré pour sauver nos amis. Sois remerciée.
– Père Noël, je n’ai fait que mon devoir, dit Marnie en rougissant.
– C’est bien plus que cela ma chère. Tu t’es sacrifiée et je t’en remercie, au nom de tous les enfants qui mettent en nous, protecteurs des jouets, tous leurs rêves et leurs espoirs. Tu sais Marnie que tu es indispensable pour moi. Je ne pourrais pas répandre le bonheur sur cette terre sans toi, sans ton immense travail.
– Oh Père Noël, vous exagérez. Marnie ne savait plus où se mettre. Bop et ses amis ne l’avaient jamais vue aussi mal à l’aise. Mais il faut aussi remercier Bernie, Bop, Dido et Gocha qui m’ont bien aidée dans cette aventure.
Au tour des chaussons et des peluches de se faire tout petit.
– Je ne les oublie pas Marnie. Je vous remercie tous d’avoir sauvé les jouets. Vous avez également été très courageux.
– Merci Père Noël, fit humblement Bernie. Les autres n’arrivaient même pas à s’exprimer tellement ils étaient émus.
– Bon, je ne peux pas rester plus longtemps, je dois repartir car il me reste beaucoup de travail à faire, vous vous en doutez. Et ce soir…vous savez quel jour nous sommes ?…
– Le 24, s’exclama Marnie, c’est le Réveillon de Noël !!! J’ai complètement oublié à cause de ces deux …
– Tut tut tut Marnie, la coupa-t-il. Voyons…
– Mais je suis très en retard, je devais vous livrer plein de jouets moi et voilà que rien n’est prêt.
Marnie se sentait confuse. Les chaussons, Bop et Bernie se regardaient dépités. Noël…c’est cette nuit, la nuit magique. Et personne ne voudra d’eux étant données toutes leurs péripéties du jour. Ils trouvent qu’ils ont une sale mine. Tu parles d’un cadeau !
– Ne t’en fais pas Marnie, reprit le Père Noël. Je vais me débrouiller sans toi pour une fois. Mais avant, j’ai quelque chose à proposer à tes amis. Une mission.
– Une mission? interrogea Gocha. Quel genre de mission? On ne va pas au Pays inversé avec vous?
– Pas encore brave petit chausson. Pas encore. Ecoutez-moi bien, voici le cadeau que je vous fais et que vous ne pourrez pas refuser.
Pendant un long moment, Père Noël parla aux chaussons et aux deux peluches, devant Marnie qui fut aussi surprise qu’eux. Quand il eut fini, chacun resta silencieux mais tous avaient les yeux brillants à l’idée de ce qu’ils auraient à faire bientôt.
C’est à peine s’ils virent le Père Noël disparaître à leur vue. Ils savaient cependant qu’ils le reverraient un jour, là-bas, au pays où tout est à l’envers. Pour l’heure, ils avaient une mission à accomplir. Seul Dido, comme toujours, émit des doutes.
– Vous croyez qu’on y arrivera? fit-il à ses camarades. On en a eu des aventures, moi je ne sais pas si j’aurai le courage d’en affronter d’autres.
– Mais oui Dido, bien sûr que oui. C’est le plus beau Noël dont on puisse rêver ! Tellement incroyable ce que le Père Noël nous propose. Il compte sur nous. On ne peut pas refuser cet honneur. Il a besoin de nous, n’est-ce pas Marnie?
– Oui les amis, il a vraiment besoin de vous. Il vous fait confiance, il sait que vous réussirez. Moi aussi, je le sais. Vous êtes courageux et vous l’avez prouvé. En plus, vous serez toujours ensemble et votre mission sera très utile pour d’autres. Et ça, être utile aux autres, c’est ce qu’il y a de plus beau n’est-ce pas?
Oui, Dido, Gocha, Bernie et Bop comprirent qu’ils étaient investis d’une noble tâche : sauver tous les jouets du monde en souffrance et les ramener chez Marnie. La mission était immense, essentielle, peut-être dangereuse mais nos amis avaient pris goût à l’aventure. Ils avaient grandi en une nuit. Ils étaient gonflés à bloc.
Ils restèrent au repos quelques jours chez Marnie, en profitèrent pour mettre au point leur plan d’action et aussi aider leur hôte à préparer les autres jouets qui attendaient de partir pour le Monde inversé.
Bop était trop heureuse de rester avec son gros ourson de Bernie. Lui était tout chamboulé par ses sentiments envers elle. Dido se détendit car tant qu’il était avec sa sœur et ses amis, il acquit la conviction que rien de grave ne pourrait lui arriver au fond.
Enfin le jour où ils devaient partir arriva. Ils étaient prêts pour de nouvelles aventures. Leurs baluchons faits, ils dirent au revoir à Marnie qui ne put retenir une larme. Ils sortirent de la grange, se retournèrent une dernière fois, firent un signe à leur Marnie adorée puis s’éloignèrent doucement dans le froid du petit matin.
Toutes sortes d’aventures les attendaient. Ils étaient déterminés à les affronter…tant qu’ils voyageraient ensemble…N’est-ce pas ?
FIN
pour le moment…
Bonjour,
Merci Stepha pour ce commentaire. J’aimerais être publié oui…mais à moins de payer, cher, pas de proposition pour l’instant. Ce texte est étudié en cllasse par des amis et ça marche bien auprès des 7/11 ans, ce qui est encourageant. Oui j’ai des illustrations, d’une amie autodidacte mais que je ne publierai pas ici, en tout cas pas sans son accord.
J’adore :-) Cette histoire a un beau potentiel pour un livre jeunesse, et elle porte en elle un récit initiatique; Je visualise déjà, ainsi que d autres épisodes. As tu pensé à l illustrer?
Bienvenue Thierry !
Merci pour cette belle et longue introduction poétique et nous avons hâte de découvrir vos autres textes.
N’oubliez pas d’ajouter votre biographie ou présentation auteur ainsi que votre photo ou avatar représentatif depuis votre profil membre afin que les visiteurs, lecteurs et membres puissent mieux vous apprécier.
Cette présentation s’affichera également sous tous les textes que vous publiez depuis le site.
Nous restons à votre écoute si besoin et au plaisir de vous lire à nouveau.
Alain