Ailes déployées aux derniers vents portants chauffés par le Soleil à son déclin, certains jours je plane à la vue d’un homme en haut de ma falaise. Ses cheveux sortant de sa casquette de capitaine de marine et son visage marqué par les années m’indiquent qu’il est à l’automne de sa vie.
Il s’assied invariablement à la même place, sur un petit rocher en guise de banc, à quelques pas du vide. Toujours c’est le même rituel, il ouvre un cahier d’écolier, sort de la poche arrière de son pantalon un stylo-bille et aspire à pleins poumons l’air iodé de ce doux pays catalan.
Ensuite il se met à écrire, relève le nez pour admirer le paysage marin, certainement pour en puiser l’inspiration, puis de nouveau couche quelques mots sur le papier.
Ce Monsieur est-il un romancier, un fabuliste ou bien un poète ? Je ne le saurai jamais. Chaussée sur son nez une paire de lunettes qui ne me dissimule aucunement son regard sombre et triste.
Quelquefois son visage s’illumine d’un large sourire avant que le stylo ne se mette à noircir la page très rapidement ; a-t-il eu la vision d’une scène ou les mots d’un poème lui sont-ils venus comme arrive la créativité dans un flou artistique ?
De ma position d’observation, en vol ou bien posé sur un rocher, j’observe ses moindres gestes. J’arrive à discerner les jours où ses idées fusent de ceux où il peine à écrire. Il est même arrivé qu’il n’ouvre pas son cahier, se contentant du spectacle se déroulant devant ses yeux, celui de mer et de ses volatiles.
Parfois son regard se perd au loin, d’autres fois il se concentre sur un bateau croisant au large ; peut-être les souvenirs d’une carrière passée sur les flots lui reviennent-ils en mémoire ?
L’on pourrait m’appeler l’oiseau clown, j’adore faire des pitreries. Lorsque je ressens en cet homme un certain vague à l’âme, un peu de tristesse, je me mets en scène pour attirer son attention et tenter de le tirer de la mélancolie qui l’emprisonne. Cela fonctionne, son visage s’illumine alors d’un timide sourire pendant qu’il me suit des yeux.
Parfois il se relève de son siège minéral comme s’il voulait prendre son essor pour un duo aérien. Et s’il venait toujours sur ce même lieu pour m’y retrouver ?
Des jours je le vois se promener sur la grève, allant de la plage aux rochers, des dunes au petit port de pêche. Aux saisons froides il est emmitouflé dans un caban bleu marine, le col relevé et les mains dans les poches. Toujours coiffé de la même casquette.
Son allure est bien reconnaissable, il a la tête rentrée dans les épaules, le dos un peu arrondi.
Si cet humain écrit sa vie, j’espère qu’il parlera un peu de moi, que dans des classes d’école ou le soir dans leur lit des personnes connaîtront au travers de ses mots qu’il se trouvait sur la côte Vermeille un goéland pas tout à fait comme les autres.
Bien sûr qu’il parlera de ce goéland , on ne peut ignorer un tel oiseau !
Ce goéland a besoin de mêler son cri à celui des mouettes pour que la fête soit complète ! Merci, Alain, pour le partage de ce moment d’évasion romantique !
Les aventures de ce Goéland sont vraiment fabuleuses Alain. Elles ont le pouvoir de nous faire voyager à travers les yeux de votre Goéland. On se transforme même en cet oiseau maritime le temps d’une lecture.
Merci Alain pour ce fabuleux voyage inter espèce 😉 belle soirée🙏 Hélène