« La première fois qu’Aurélien vit Bérénice, il la trouva franchement laide », ne put s’empêcher de penser Aurélien, presque malgré lui quand il découvrit cette femme assise.
Il se demanda aussitôt comment cela était possible qu’il ait ce genre de pensées, et aussi pourquoi il parlait de lui à la troisième personne. C’était la première fois que ça lui arrivait une chose pareille.
Et puis il fut bien obligé de lui parler à cette personne féminine, pour lui demander si elle pouvait se décaler pour le laisser s’asseoir dans cette salle de spectacle bondée.
Il fut alors profondément ému et touché par son sourire. Un sourire qu’il trouva sincère et attirant. Si bien que, troublé, il regarda le spectacle sans vraiment le voir.
Ce spectacle de Louis Aragon Le Fou d’Elsa, dont le Tout-Paris parlait. Il voyait le spectacle sans le voir, parce que lui, perturbé, il essayait, pendant toute la durée de la pièce, d’observer sa voisine tout en gardant les yeux sur les comédiens.
A peine le rideau tiré, il l’invita poliment dans un salon de thé, à côté du théâtre. Sous prétexte qu’elle s’était décalée et qu’elle avait dû, de ce fait, être moins bien placée, et donc voir un peu moins bien la pièce.
Elle lui sourit à nouveau. Il lui trouva avec ce second sourire davantage de charme encore.
Elle d’accord, ils sortirent ensemble et se rendirent au salon de thé. Aurélien fut surpris, car elle y demanda un café serré. Lui, il avait commandé, en premier, et pour la devancer, un thé. Un Earl Grey pour qu’elle le prît pour un gentleman.
Elle lui dit s’appeler Bérénice. Lui avait-elle apporté en plus de son sourire le don de divination ?
Il l’avait nommée Bérénice en pensée, avant même de connaître son nom.
Il fut agréablement surpris, quand, après quelques échanges courtois, mais intenses, elle l’invita dans sa chambre de bonne, au septième étage d’un immeuble bourgeois à côté de l’Opéra. C’était, disait-elle, pour lui lire Les Yeux d’Elsa, un poème de Louis Aragon également.
Vite arrivés tous deux là-haut. Et sans reprendre leur souffle, elle debout, et lui assis, elle le lui récita avec le cœur et la manière. Et lui, enchanté, envoûté par Les Yeux d’Elsa, il ne quittait plus ses yeux, d’elle, là. Et il buvait, savourait chacune de ses paroles. En fait elle le connaissait sur le bout des doigts, ce poème.
La suite vint assez vite et ce fut elle qui en premier l’embrassa. Il allait de surprise en surprise, et elles étaient pour lui de plus en plus agréables. Puis ils se mirent assez vite à se dévêtir. Nouvel éblouissement, il trouva son corps superbe.
Avec sa peau pâle, ses poses sensuelles et naturelles, il fut vite en émoi.
Le reste s’enchaîna rapidement. Ils s’enlacèrent, s’entrelacèrent et s’unirent une première fois.
Là d’abord ils remuèrent un peu, ensuite ils se démenèrent beaucoup et enfin ils s’envoyèrent en l’air. Dans cette montée aux cieux, ils s’agitèrent et de temps en temps, alternèrent sur un rythme binaire. Puis ils conclurent cette affaire. Ils se cherchèrent souvent et se trouvèrent ensuite plusieurs fois dans la nuit.
Si bien qu’au petit matin, il affichait dans les yeux et jusqu’aux oreilles, un large sourire béat. Elle à ses côtés, elle irradiait, épanouie et lumineuse.
En rentrant chez lui, il vit en premier ce livre reçu la veille. Il l’ouvrit à la première page et là il comprit toute l’histoire. Mais comment avait-il pu ne pas la reconnaître, cette phrase lue la veille ?
« La première fois qu’Aurélien vit Bérénice, il la trouva franchement laide. » Il referma alors lentement ce livre, Aurélien, et songeur et heureux, il pensa « jusqu’à ce qu’elle lui sourit »…
Marco O’ Chapeau le 1er avril 2022 débuté le 19 février 2022 – Thème d’atelier « L’Incipit »
Vidéo du 26 mars 2022 : https://youtu.be/glt00a-voY0
Déposé soumis aux droits d’auteur
vous savez captiver le lecteur , j’aime vos récits !
bravo pour cette histoire somme toute banale mais qui sous votre plume prend une autre dimension
merci pour ce bon moment de lecture