La loi des deux rois – Christian Satgé

Petite fable affable

Ayant jeté force piétaille
En une décisive bataille,
Deux rois, le regard fort connivent,
Sentirent que le Ciel, les vents
Capricieux et autant qu’eux fripouilles,
Avaient choisi leur camp.
Donc la picorée et les dépouilles
Seraient d’un rapport prou conséquent.
Tyrans et pleure-pain, ces avides
Avaient toujours l’escarcelle vide :
Leurs longues guerres ne l’alimentant
Que pour mieux la vider pourtant,
Guerroyer ici durant longtemps.

On négocia longtemps, à morsures,
Le prix d’une reddition sûre
Dans l’ombre d’un soleil calciné
D’avoir trop brûlé casques, harnais,…
Les vainqueurs, sans pitié, récusent
Toute idée de générosité :
Les vaincus paieraient prou, sans excuse
Ni délaiement, à satiété…
Ni placets ni requêtes n’y firent.
Aussi les hostilités reprirent
Et lors, on massacra les défaits
Presque jusqu’au dernier en fait.
Oubli plus que de mansuétude effet.

Enfin satisfaits, les deux monarques
Se partagèrent, non sans remarque
Amère ici ou là, le pays
Là conquis où, hélas, survécurent
Quelques enfants qui ont vite haï
Ceux qui, en guerre, n’avaient eu cure
De leurs parents et qui, désormais
Leurs maîtres, et sans vergogne aucune
Nourrissaient chaque jour leur rancune,
Les humiliant et les pressurant
Donc à la révolte les poussant
Pour se délier de ces puissants.

C’est là l’incommode d’un massacre
Il oublie toujours quelque témoin
Ou un vengeur qui, même pouacre,
Vous fera payer le tout au moins
Aussi cher que lui coûta la guerre.
C’est leçon dont on ne tire guère
Profit puisqu’on en meurt en sagouin !

 

© Christian Satgé – mars 2019

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Christian Satgé

Christian Satgé (834)

Obsédé textuel & rimeur solidaire, (af)fabuliste à césure… voire plus tard, je rêve de donner du sens aux sons comme des sons aux sens. « Méchant écriveur de lignes inégales », je stance, en effet et pour toute cause, à tout propos, essayant de trouver un équilibre entre "le beau", "le bon" et "le bien", en attendant la cata'strophe finale. Plus "humeuriste" qu'humoriste, pas vraiment poétiquement correct, j'ai vu le jour dans la « ville rosse » deux ans avant que Cl. Nougaro ne l'(en)chante. Après avoir roulé ma bosse plus que carrosse, je vis caché dans ce muscle frontalier de bien des lieux que l'on nomme Pyrénées où l'on ne trouve pire aîné que montagnard.

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6 Commentaires
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Eric de La Brume
Membre
5 septembre 2019 16 h 00 min

Le temps passe, le langage se modifie, la technologie se peaufine, mais l’homme dans sa nature profonde ne change pas et si la technologie d’aujourd’hui n’est qu’un outil, elle amplifie plus souvent le mal que le bien. La mentalité est toujours celle que vous décrivez si bien avec ces mots d’antan.

Invité
5 septembre 2019 13 h 11 min

Voici une fin façon HERGE.
Haddock, le fulminant capitaine jamais pris de court, vociférant sur le sagouin, l’aurait traité de Sapajou ou de pléonasme !
Merci de ces jolis mots….

Invité
5 septembre 2019 11 h 45 min

Christian,
votre texte dans lequel vous utilisez des mots d’un autre temps, parfois, est hélas toujours d’actualité. Merci pour cette belle lecture.