J’AIME L’ÂNE REVÊTU DE LA PEAU DU PEINTRE
Un certain jour, dans l’ombre d’un mardi soir,
Alors tous s’étaient couchés dans leur propre dortoir,
Un malin pénitent qu’on appelle aujourd’hui peintre
Décida, je vous le donne en mille,
De transformer l’âne de son voisin Emile
En un illustre peintre,
Ceux qui, avec deux sous de créativité
Réussissent sans aucune probité
A gagner l’accord des imbéciles gratteurs
Qui critiquent l’œuvre pour se faire du beurre.
Que fit-il donc, ce fils de Judas,
Ce descendant de Picasse et Sodas,
Il attacha à la queue de son vilain dada
Un pinceau, une brosse,
Plein de couleurs carrosses,
Lui donna tableau, une toile, peu de fouet aussi
Pour que la bête peureuse
Dans la crainte et la surprise ah, si !
Ponde une œuvre qui la rendit heureuse.
La toile ainsi faite de quelques coups de queue
Fut suspendue, bien sûr, sous les dix mille feux
D’une expo capitale, et fit scandale
Car si originale.
Quelle maîtrise, quelle allure,
Quelle belle peinture,
S’écrièrent tous en chœur
Ceux qui gagnaient leur beurre.
Mais le fils de Belzébuth, qui voulait s’amuser,
Révéla, sans tarder, l’origine du métier
D’un peintre aux grandes oreilles
Aux journaleux qui criaient “ô merveille”!
Et les jeteurs de sort, les critiques malheureux,
Sortirent un par un, comme à la queue leu leu,
Se transformèrent en ânes ou encore en dadas,
Un état qui, somme toute, ils connaissaient déjà.
Quant au peintre et à son cher valet,
S’il m’est permis de vous le révéler,
Ils vivent heureux et très loin à l’aise
Bien loin, c’est sûr, du leurre et des fadaises.
LHEUREUX Guy
(Extrait de « 70 poèmes et 70 dessins pour vous dire que je vous aime », Éditions Société des Écrivains)