Chemin faisant – Christian Satgé

Petite fable affable d‘après Le bœuf & le Ciron d’A. Houdart de la Motte  (Fables nouvelles, I, 13)
Par la Grand’Rue du village que le soleil
Avait confinée pour une heure ou deux, quel pied, 
Pour des siestes qu’inspire l’astre vermeil,
Plus ou moins crapuleuses ou repos du guerrier,
Un chien tirait sur la laisse de son chasseur
De maître. Il le promenait donc, car tout bredouille,
L’homme avait battu les bois le plus obscurs, le cœur
Au meurtre, sans rien ramener, ce niquedouille.
 
Messire Son Chien, au périple, gagna
Un passager. Ou plutôt une passagère. Dame puce,
Encore fille,  voulant quitter malgré cagna,
Le séjour ombreux où elle vit, où las ne se musse,
Pour elle, côté ventre que disette, ou pis,
Famine et du côté compagnie, solitude
La forçant au carême, l’acculant au dépit.
Ces étrangers-là rompaient ses sombres habitudes.
 
À elle, loin de sa misère de ce jour,
La chaude quiétude d’un foyer où ripaille
 Serait assurée et amitiés toujours
Renouvelées. Elle se juche donc sur l’ouaille
Du Tartarin mais craint de lui peser par trop.
Alors ce microbe se fait plus petit encore
Pas assez sans doute car, dans son petit trot,
Le cabot s’arrête souvent pour, matamore,
D’une patte fort rageuse, le déloger. 
Se sachant crainte, la puce  joue les discrètes
Et, plus, fait ceinture de peur d’épuiser 
Son destrier valant bien grosse charrette.
 
Se faisant légère et maigre, quoiqu’un toutou
Soit à la fois carrosse, auberge, hostellerie,
Notre atome ne faillit pas, passe-partout
Et risque-tout, vrai as de la filouterie,
À trouver Eden et Nirvana au village ;
L’huis du chasseur serait premier vous pensez !
Dans la rue déserte, un galet gris et sans âge 
Roulait sur le pavé sec si mal agencé.
 
Arrivée à bon port, la voyageuse saute
À bas sa monture et, d’un mot, la remercie.
Son hôte est des plus surpris : « Qui es-tu, Nabote ?
Moi qui me pensais simplement à la merci
D’une mauvaise herbe, de celles qui urtiquent,
Rencontrée en sous-bois ! » On mesure dépit
Et courroux de cette cousine de nos tiques…
Elle le snoba ne pouvant faire pis.
 
Il en est ainsi de fort nombreux importuns,
Parasites grossis de leur propre importance
Qui se croient, orgueil et vanité, quelqu’un
Alors qu’ils valent miette en cette existence…
© Christian Satgé – octobre 2020

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Christian Satgé

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Obsédé textuel & rimeur solidaire, (af)fabuliste à césure… voire plus tard, je rêve de donner du sens aux sons comme des sons aux sens. « Méchant écriveur de lignes inégales », je stance, en effet et pour toute cause, à tout propos, essayant de trouver un équilibre entre "le beau", "le bon" et "le bien", en attendant la cata'strophe finale. Plus "humeuriste" qu'humoriste, pas vraiment poétiquement correct, j'ai vu le jour dans la « ville rosse » deux ans avant que Cl. Nougaro ne l'(en)chante. Après avoir roulé ma bosse plus que carrosse, je vis caché dans ce muscle frontalier de bien des lieux que l'on nomme Pyrénées où l'on ne trouve pire aîné que montagnard.

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